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XXXIV. [1] L’arbre a cinq coudées de haut, et n’est pas sans épines. Le tronc est dur, contourné, plus gros que celui de l’encens, et plus du côté de la racine que dans le reste. L’écorce est unie, et semblable à celle de l’arbousier (XV, 27) ; d’autres ont dit qu’elle était rugueuse et garnie d’épines. La feuille est celle de l’olivier, mais plus crépue, et garnie d’un aiguillon ; Juba dit qu’elle ressemble à celle de l’olusatrum (XIX, 48). Quelques-uns assurent que l’arbre à myrrhe est semblable au genévrier, plus raboteux seulement, et hérissé d’épines, avec une feuille plus ronde, mais qui a le même goût. Il y a même eu des auteurs qui ont prétendu mensongèrement que la myrrhe et l’encens provenaient du même arbre.

XXXV. [1] L’arbre à myrrhe, lui aussi, s’incise deux fois par an et aux mêmes époques, mais depuis la racine jusqu’aux dernières branches ayant de la force. Il transsude d’abord spontanément avant l’incision une myrrhe appelée stacté, que l’on préfère à toutes les autres ; au second rang est la myrrhe que l’on cultive ; parmi les myrrhes sauvages la meilleure est celle qui se récolte en été. On ne donne point au dieu une part de la myrrhe, parce qu’il en vient aussi ailleurs. Mais on en paye en tribut le quart au roi des Gébanites. Du reste, achetée sans choix par les marchands, on l’entasse dans des sacs, et nos parfumeurs la séparent aisément, à l’aide des caractères fournis par l’odeur et l’onctuosité.

[2] (XVI.) Il yen a plusieurs espèces : la première des myrrhes sauvages est celle des Troglodytes ; la seconde, la myrrhe Minéenne, qui comprend l’Atramitique et l’Ausarite dans le royaume des Gébanites ; la troisième, la Dianite ; la quatrième, la myrrhe de toute sorte (XII, 33) ; la cinquième, la Sembracène, ainsi nommée d’une ville maritime du royaume des Sabéens : la sixième, celle qu’on appelle Dusarite. Il y a aussi une myrrhe blanche qu’on trouve en un seul endroit ; on la porte dans la ville de Messalum. On reconnaît la myrrhe Troglodytique à son onctuosité, à son aspect plus aride, à son apparence sale et grossière ; néanmoins elle a plus de vertu que les autres. La Sembracène n’a pas ces mauvaises apparences ; c’est même celle qui a l’aspect le plus agréable, mais la force en est petite.

[3] En général, la bonne myrrhe est en petites masses non arrondies, formées par la concrétion d’un suc blanchâtre qui se dessèche peu à peu ; cassée, elle offre des taches blanches comme des ongles ; elle a un goût légèrement amer. Celle qui est de seconde qualité présente des nuances à l’intérieur. La plus mauvaise est celle qui est noire en dedans ; elle vaut encore moins si elle est noire même en dehors. Les prix varient suivant la concurrence des acheteurs. La myrrhe stacté vaut de 13 deniers (10 fr. 86) à 40 (32 fr. 80) la livre. La myrrhe cultivée vaut au plus 11 deniers (9 fr. 02) ; l’Érythréenne va jusqu’à 16 (13 fr. 12) ; c’est la myrrhe qu’on prétend être celle d’Arabie.

[4] La Troglodytique en grains coûte 16 deniers ; celle qu’on nomme odoraria, 14 (11 fr. 48). On falsifie la myrrhe avec le suc concrété du lentisque, avec la gomme ; pour l’amertume, avec le suc de concombre sauvage ; pour le poids, avec l’écume d’argent (litharge). On reconnaît les autres falsifications au goût ; la gomme, à ce qu’elle s’amollit sous la dent. Mais la sophistication la plus perfide se pratique avec la myrrhe de l’Inde ; celle-ci se recueille sur un végétal épineux. C’est la seule substance do l’Inde qui soit pire que les substances congénères ; la distinction en est facile, tant elle est inférieure.