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XXI. (X.) Dans le même golfe est l’île de Tylos (VI, 32, 6), remplie de forêts du côté qui regarde l’orient, et où elle est arrosée aussi par la marée. Les arbres y ont la grosseur du figuier ; la fleur a une odeur d’une suavité indicible ; le fruit est semblable au lupin (XVIII, 36), et tellement amer qu’aucun animal n’y touche. Dans la même île, sur un gradin plus élevé, sont des arbres qui produisent une laine (gossypium arboreum, L.) d’une autre façon que les arbres du pays des Sères (VI, 20). Les feuilles, en effet, ne produisent rien ; et on pourrait les confondre avec celles de la vigne, si elles n’étaient pas plus petites ; mais l’arbre porte des courges de la grosseur d’un coing, lesquelles, se rompant au moment de la maturité, mettent à nu des pelotes de duvet avec lesquelles on fabrique des étoffes précieuses. (XI.) On nomme cet arbre gossympinus ; il est plus abondant encore dans la petite île de Tylos, qui est à dix mille pas de la grande.

XXII. [1] Juba rapporte que sur un certain arbrisseau (gossypium herbaceum, L.) se trouve un duvet qui fournit des toiles préférables à celles de l’Inde ; que les arbres d’Arabie (XIX, 1) avec lesquels on fait les toiles se nomment cynes, et ont la feuille semblable à celle du palmier. Ainsi les Indiens tirent de leurs arbres de quoi s’habiller. Dans les deux îles de Tylos est un autre arbre dont la fleur ressemble à celle de la violette blanche (matthiola incana), mais quatre fois plus grande ; elle est inodore, chose singulière dans ces contrées.

XXIII. [1] On y trouve encore un autre arbre semblable, plus feuillé cependant, et dont la fleur est celle du rosier ; il la ferme pendant la nuit, il commence à l’ouvrir au lever du soleil, il la déploie à midi ; les indigènes disent qu’il est sujet au sommeil. La même île produit des palmiers, des oliviers, des vignes et des figuiers, ainsi que toute espèce d’arbres à fruit. Aucun arbre n’y perd ses feuilles ; elle est arrosée par de fraîches fontaines et par des pluies.

XXIV. [1] L’Arabie, qui est voisine, demande qu’on fasse des distinctions entre ses produits ; car on en retire des racines, des branches, des écorces, des sues, des larmes, des bois, des rejetons, des fleurs, des feuilles, des fruits.

XXV. (XII.) [1] Une racine et une feuille sont à un haut prix dans l’Inde. La racine (c’est le costus) (costus arabicus, L.) a un goût brûlant, une odeur exquise ; les branches sont inutiles. A l’embouchure du fleuve Indus, dans l’île de Patale, on en trouve deux espèces : une poire et une blanche, qui est meilleure. Le prix en est de six deniers (4 fr. 92) la livre.

XXVI. [1] Quant à la feuille, c’est celle du nard ; et il convient d’en traiter plus en détail, attendu qu’elle est le principal ingrédient dans les parfums. Le nard est un arbrisseau (valeriana spica, Boem.) dont la racine est pesante et épaisse, mais courte et noire, fragile, bien que grasse, ayant une odeur de moisissure, comme le souchet (XXI, 70), un goût âcre ; la feuille est petite et touffue. Les sommets s’éparpillent en épis ; aussi vante-t-on, dans le nard, les épis et les feuilles. Une autre espèce qui croit auprès du Gange est condamnée, d’une manière absolue, sous le nom d’ozenitis ; l’odeur en est fétide.

[2] On falsifie le nard avec l’herbe appelée pseudo-nard (allium victorialis, L.), qui vient partout, dont la feuille est plus épaisse, plus large, et d’une cou-leur peu prononcée, tirant sur le blanc ; on le falsifie encore avec sa racine, que l’on mêle, pour augmenter le poids, avec la gomme, avec l’écume d’argent (litharge), avec l’antimoine (XXXIII, 33), avec le souchet ou l’écorce de souchet. Le nard non sophistiqué se reconnaît à la légèreté, à la couleur rousse, à l’odeur suave, à la saveur, qui, tout en donnant de la sécheresse à la bouche, est agréable. Le prix des épis de nard est de 100 deniers (82 fr.) la livre. Celui des feuilles varie : le nard à grandes feuilles, appelé pour cette raison hadrosphaerum, se vend 50 deniers (41 fr.) ; le nard à feuille moindre, appelé mésosphaerum, se vend 60 deniers (49 fr. 20) ; le plus estimé est le nard à petites feuilles, microsphaerum : il se vend 75 deniers (61 fr. 50).

[3] Tous les nards ont une odeur agréable ; elle l’est le plus dans les nards récents. Le nard qui a vieilli est d’autant meilleur qu’il est plus noir. Des nards qui croissent dans l’empire romain, celui qu’on estime le plus après celui-ci est le nard de Syrie, puis celui des Gaules (valeriana celtica) ; en troisième lieu celui de Crète (valeriana italica, Lam.), que quelques-uns appellent sauvage, d’autres phu. Ce dernier a la feuille de l’olusatrum (XIX, 48), la tige d’une coudée, garnie de nœuds, d’une couleur pourpre pâle, la racine oblique, velue et ressemblant à une patte d’oiseau. On nomme baccharis le nard des champs, dont nous parlerons à propos des fleurs (XXI, 16). Tous ces nards sont des herbes, excepté celui des Indes.

[4] Le nard des Gaules s’arrache avec la racine même, et on le lave avec du vin ; on le sèche à l’ombre, on le lie en bottes dans du papier ; il diffère peu de celui des Iodes, mais il est un peu plus léger que celui de Syrie. Le prix en est de trois deniers (2 fr. 46). Le seul caractère à consulter, c’est que les feuilles, sans être ni friables ni desséchées, soient sèches seulement. A côté du nard des Gaules croît toujours une herbe nommée hirculus à cause de son odeur forte, et semblable à celle du bouc ; on s’en sert surtout pour le falsifier ; elle en diffère, parce qu’elle n’a pas de tige, que les feuilles en sont plus petites, et que la racine n’est ni amère ni odorante (variété de la V. celtica).