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LIVRE VII.


I. Le monde, et dans le monde la terre, les nations, les mers notables (1), les îles, les villes, se comportent comme il a été dit (iii, iv, v, vi). L’histoire des animaux qui le peuplent, si toutefois l’esprit humain peut, là, tout parcourir, offre à la contemplation un spectacle qui n’est inférieur peut-être à celui d’aucune autre partie. Il est juste de commencer par l’homme, pour qui la nature paraît avoir engendré tout le reste : mais à de si grands présents elle oppose de bien cruelles compensations ; et il est permis de douter si elle est pour l’homme une bonne mère, ou une marâtre impitoyable. D’abord il est le seul de tous les animaux qu’elle habille aux dépens d’autrui ; aux autres elle accorde des vêtements variés, des tests, des coquilles, des cuirs, des piquants, des crins, des soies, des poils, du duvet, des plumes, des écailles, des toisons. Elle a protégé contre le froid et la chaleur le tronc même des arbres par une écorce quelquefois double. L’homme est le seul que, le jour de sa naissance, elle jette nu sur la terre nue, le livrant aussitôt aux vagissements et aux pleurs. Nul autre parmi tant d’animaux n’est condamné aux larmes, et aux larmes dès le premier jour de sa vie. Mais le rire, grands dieux ! le rire même précoce et le plus hâtif, n’est accordé à aucun enfant avant le quarantième jour. Après cet apprentissage de la lumière, des liens, épargnés même aux bêtes nées dans la domesticité, le saisissent et garrottent tous ses membres. Heureuse naissance ! le voilà étendu pieds et mains liés, pleurant, lui, cet être qui doit commander aux autres ! et il commence la vie par des supplices, sans avoir commis autre faute que celle d’être venu au monde ! Quelle démence que de se croire, après de tels débuts, des droits à l’orgueil !

À la première apparence de force, par le premier bienfait du temps, il devient semblable à un quadrupède. Quand a-t-il la marche d’un homme ? quand la voix ? quand sa bouche est-elle capable de broyer les aliments ? combien de temps ne sent-on pas des battements au haut de sa tête, indice de la plus grande faiblesse entre tous les animaux ? ajoutez les maladies et tant de remèdes inventés contre les maux, et que parfois de nouveaux fléaux rendent inutiles. Les animaux sont guidés par leurs instincts ; les uns ont une course rapide, les autres un vol impétueux, d’autres nagent : l’homme seul ne sait rien sans l’apprendre, ni parler, ni marcher, ni se nourrir ; en un mot, il ne sait rien spontanément que pleurer. Aussi beaucoup ont-ils pensé que le mieux était de ne pas naître, ou d’être animal au plus tôt.

À lui seul entre les animaux a été donné le deuil, à lui le luxe, et le luxe sous mille formes et sur chaque partie de son corps ; a lui l’ambition, à lui l’avarice, à lui un désir immense de vivre, à lui la superstition, à lui le soin de la sé-