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droite, au lieu de faire le contraire. Ils racontaient encore que le flanc de l'île étendu le long de l'Inde avait 10.000 stades (myr. 184), dans la direction du levant d'hiver ; qu'ils voyaient les Sères au delà des monts Émodiens, et qu'ils les connaissaient même par le commerce ; que le père de Rachias était allé dans leur pays, et que les Sères venaient au-devant des Taprobaniens qui arrivaient ; que les Sères dépassaient la taille ordinaire, qu'ils avaient les cheveux rouges, les yeux bleus, la voix rude, sans langage pour se communiquer leurs pensées. Du reste, les renseignements donnés par eux étaient semblables à ceux de nos négociants, à savoir que les marchandises étaient posées sur la rive du neuve du côté des Sères (VI, 20), qui les emportaient en laissant le prix si elles leur convenaient. A-t-on jamais plus juste raison de haïr le luxe que lorsque, conduit en esprit dans ces contrées, on songe à ce qu'il demande, à quel prix, et pourquoi (IX, 54) ?

Mais Taprobane même, quoique reléguée par la nature au delà du monde, n'est pas exempte de nos vices ; l'or et l'argent y sont aussi en estime ; un marbre semblable à l'écaille de tortue, les pierres précieuses, les perles remarquables, y sont à haut prix ; en un mot, c'est notre luxe tout entier porté à son comble. Ils disaient que leurs richesses étaient plus grandes que les nôtres, mais que nous savions mieux en tirer parti. Personne n'y a d'esclaves ; on n'y dort ni jusqu'au jour ni pendant le jour ; les édifices y sont peu élevés au-dessus du sol ; le prix des grains y est toujours le même ; il n'y a ni tribunaux ni procès ; on y adore Hercule ; le peuple élit pour roi un vieillard recommandable par sa douceur, et sans enfants ; si plus tard il a des enfants, on le fait abdiquer, pour que le royaume ne devienne pas héréditaire. Trente directeurs lui sont donnés par le peuple ; personne ne peut être condamné à mort que par une sentence de la majorité. Il y a même alors appel au peuple ; on donne au condamné soixante-dix nouveaux juges : s'ils l'acquittent, les trente directeurs perdent toute considération, et ils sont frappés de la réprobation la plus sévère. Le roi porte l'habillement de Bacchus ; la nation, celui des Arabes. Le roi, s'il commet quelque crime, est condamné à mort ; personne ne le tue, tous s'en détournent ; on refuse même d'échanger avec lui une parole. Les fêtes se passent en chasses, dont les plus agréables sont celles qui ont pour objet les tigres et les éléphants ; les champs y sont soigneusement cultivés, l'usage de la vigne y est inconnu, les fruits y sont abondants ; les habitants se plaisent beaucoup à la pêche, surtout des tortues, dont la carapace couvre des familles entières, tant on en trouve de grandes. Une vie de cent ans y est ordinaire. Voilà ce qu'on sait de Taprobane.

XXV. Parlons maintenant des quatre satrapies, que nous avons renvoyées à ce moment. (XXIII.) À partir des nations les plus voisines de l'Indus, on trouve des lieux montagneux ; la Capissène, où fut la ville de Capissa, détruite par Cyrus ; l'Arachosie, avec un fleuve et une ville de même nom, que quelques-uns ont appelée Céphée, fondée par Sémiramis ; le fleuve Hermandus, arrosant Parabeste des Arachosiens : dans le voisinage, au midi, du côté des Arachotes, les Gédrosiens ; au nord les Paropamisades, au pied du Caucase la ville de Cartana, appelée ensuite Tetragonis (le pays des Paropamisades est en face de l'Arachosie) : puis le pays des Bactriens, dont la