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bourgs. Elle commence à la mer Orientale, s’étendant en face l’Inde, entre le levant et le coucher. Jadis on croyait qu’elle était à vingt jours de navigation de la nation des Prasiens ; mais comme on y allait avec des barques faites de papyrus, et munies d’agrès comme celles du Nil, on a réduit cette évaluation à sept journées, en raison de la supériorité de la marche de nos bâtiments. La mer qui sépare Taprobane de l’Inde est pleine de hauts fonds, où l’eau n’a pas plus de six pas de profondeur, mais tellement profonde dans certaines passes, qu’aucune ancre n’en peut trouver le fond : les habitants se servent de barques qui ont une proue à l’avant et à l’arrière, afin de n’être pas obligés de virer de bord dans ces canaux étroits ; le tonnage de ces barques est de 3000 amphores (litres 77.760). Ils n’observent pas les astres pour naviguer, et le pôle septentrional n’est pas visible ; mais ils emmènent avec eux des oiseaux qu’ils lâchent de temps en temps et dont ils suivent le vol vers la terre ; ils ne naviguent pas plus de quatre mois dans l’année ; ils s’abstiennent de se mettre en mer pendant environ cent jours après le solstice d’été : c’est la saison de leur hivernage.

Jusqu’à présent nous avons parlé d’après les anciens ; mais des renseignements plus exacts nous sont arrivés sous le règne de l’empereur Claude, et même des ambassadeurs sont venus de cette île à Rome ; voici comment cela s’est fait : Annius Plocamus avait affermé du trésor impérial le retenu de la mer Rouge ; un sien affranchi, doublant l’Arabie, fut emporté par les aquilons au delà de la Germanie ; il arriva le quinzième jour à Hippuros, port de Taprobane : accueilli avec hospitalité par le roi du pays, et ayant appris en six mois la langue des habitants, il put répondre à ce prince sur les Romains et l’empereur. Ce prince, parmi les choses qui lui furent racontées, admira surtout la probité du gouvernement romain, parce qu’il remarqua dans l’argent pris avec le naufragé que les deniers étaient égaux en poids, bien que les différentes figures qu’ils portaient montrassent qu’ils avaient été frappés par des souverains différents. Engagé par cela principalement à nouer une alliance, il envoya quatre ambassadeurs, dont le chef était Rachias. On apprit d’eux que l’île renfermait 500 villes, un port en face du midi, placé près de la ville de Palaesimundum, la plus célèbre, la ville royale, et contenant une population de 200.000 personnes ; que dans l’intérieur se trouvait le lac Mégisba, de 375.000 pas de tour, où sont des îles servant uniquement de pâturages ; qu’il en sort deux fleuves, l’un, le Palaesimundus, se jetant auprès de la ville de même nom, dans le port, par trois bras, dont le plus étroit a cinq stades (mètres 920) et le plus large quinze (kil. 2, 76), et l’autre, le Cydara, coulant vers le nord et l’Inde ; que le point de l’Inde le plus voisin est le cap nommé Coliaque, à quatre jours de navigation, distance au milieu de laquelle on trouve l’île du Soleil ; que cette mer est d’une couleur très verte, et en outre pleine d’arbres dont les gouvernails emportent le feuillage. Ces ambassadeurs admiraient chez nous la grande Ourse et les Pléiades ; c’était pour eux un nouveau ciel : ils avouaient que la lune même n’était visible chez eux au-dessus de la terre que du huitième jour au seizième. Ils racontaient que dans leurs nuits brillait Canopus (II, 71, 2), étoile grande et jetant un vif éclat ; mais ce qui les surprenait le plus, c’est que les ombres de leurs corps tombaient du côté de notre ciel et non du côté du leur, et que le soleil se levait à gauche et se couchait à