Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais encore des chevaliers romains qui ensuite gouvernèrent dans ce pays, ont eu la réputation d'être arrivés jusqu'à cette montagne.

[12] Il y a, comme nous l'avons dit, cinq colonies romaines dans cette province, et, à en croire les ouï-dire, l'Atlas peut paraître accessible; mais l'expérience prouve que ces rapports sont trompeurs le plus souvent; car tel homme en place, qui a reculé devant le soin de rechercher la vérité, ne recule pas devant un mensonge pour cacher son ignorance; et jamais l'erreur n'est admise plus facilement que quand une fausseté est garantie par une autorité grave. Au reste, je ne m'étonne pas qu'il y ait des choses ignorées des fonctionnaires de l'ordre équestre, fussent-ils faits sénateurs: mais ce qui m'étonne, c'est qu'il y en ait d'ignorées du luxe, dont l'impulsion est si puissante, et au profit duquel on fouille les forêts pour trouver de l'ivoire et du citre (XIII, 29), et tous les rochers de la Gétulie pour chercher des murex et des pourpres (XI, 60).

[13] Quant aux indigènes, ils rapportent que sur la côte, à 150.000 pas de Sala, est le fleuve Asana, dont l'eau est saumâtre, mais qui est remarquable par son port; puis un fleuve qu'ils appellent Fut. De là on compte 200.000 pas jusqu'au Dyris : c'est le nom que dans leur langue ils donnent à l'Atlas; on trouve dans l'intervalle un fleuve nommé Vior, et l'on dit qu'autour de l'Atlas on voit des indices qui montrent que le sol a été jadis habité : ce sont des restes de vignobles et de plants de palmiers.

[14] Suetonius Paulinus, que nous avons vu consul (an 66 après J. C.), est le premier des généraux romains qui ait dépassé l'Atlas de quelques milliers de pas: il a parlé comme les autres de la hauteur de cette montagne; il a ajouté que le pied en est rempli de forêts épaisses et profondes que forme une espèce d'arbres inconnus : la hauteur de ces arbres est remarquable; le tronc sans nœuds est brillant ; le feuillage est semblable à celui du cyprès; il exhale une odeur forte, et est revêtu d'un léger duvet avec lequel, par le travail de l'art, on pourrait faire des étoffes comme avec la soie (VI, 20; XII, 23). Le sommet de la montagne est couvert, même en été, de neige épaisses.

[15] Suetonius Paulinus rapporte qu'il arriva à l'Atlas en dix journées de marche, et qu'au delà, jusqu'à un fleuve qui porterait le nom de Ger, on traverse des déserts couverts d'un sable noir, au milieu duquel s'élèvent, d'intervalle en intervalle, des rochers comme brûlés; que ces lieux sont inhabitables à cause de la chaleur (07), même en hiver, et qu'il l'a éprouvé; que ceux qui habitent les forêts voisines, remplies d'éléphants, de bêtes féroces et de serpents de toute espèce, s'appellent Canariens, attendu qu'ils vivent comme des chiens, et qu'ils partagent avec ces animaux les entrailles des bêtes fauves.

[16] Il est assez bien établi que la nation des Éthiopiens, appelés Pérorses, est limitrophe de ces contrées. Le père de Ptolémée, Juba, qui le premier régna sur l'une et l'autre Mauritanie, et qui est encore plus célèbre par ses travaux littéraires que pour sa royauté, a donne les mêmes détails sur l'Atlas. Il ajoute qu'il y naît une herbe appelée euphorbe (XXV, 38), du nom de son médecin, qui en fit la découverte; il donne des louanges merveilleuses au suc laiteux de cette plante comme propre à éclaircir la vue, et à combattre la morsure des serpents et toute espèce de venin. Il a consacré un volume particulier à ce sujet. En voilà assez et trop sur l'Atlas.

[17] ( II.) La province de Tingitane a 170.000 pas de long. Des nations tingitanes la principale était