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LIVRE II.

seils de la nature. Génies puissants et élevés au-dessus de l’humanité, ils ont découvert la loi qui régit ces grandes divinités, et ils ont délivré de ses craintes l’esprit misérable des hommes, qui dans les éclipses, tantôt croyaient voir une influence malfaisante ou une espèce de mort des astres, crainte qui, comme on sait, a, pour l’éclipse du soleil, troublé Stésichore et Pindare, poëtes sublimes, et tantôt attribuaient l’obscurcissement de la lune à des maléfices, et lui venaient en aide par un bruit dissonant. 3Redoutant ce phénomène, dont il ignorait la cause, Nicias, général des Athéniens, n’osa pas faire sortir la flotte du port de Syracuse, et ruina la puissance de sa patrie. Redoublez de génie, interprètes du ciel, vous dont l’intelligence, embrassant la nature, a inventé des théories qui ont créé un lien entre les dieux et les hommes (12) ! À la vue de ce spectacle, à la vue des labeurs (puisque c’est le nom qu’on a voulu donner aux éclipses), des labeurs réguliers auxquels les astres sont soumis, quel mortel ne pardonnerait à la nécessité sous laquelle il est né ? Maintenant je vais parler, d’une manière brève et sommaire, des points sur lesquels on est d’accord en cette matière. Je ne donnerai que de courtes explications, et là où il sera tout à fait nécessaire ; car les explications n’entrent pas dans le plan de cet ouvrage, et il n’y a pas moins de mérite à énumérer les causes de toutes choses qu’à s’appesantir sur quelques-unes.

X.

1(XIII.) Les éclipses se reproduisent dans le même ordre après deux cent vingt-trois mois, cela est certain ; le soleil ne s’éclipse que lorsque la lune finit ou commence son cours, c’est-à-dire aux conjonctions ; la lune, que quand elle est pleine, et toujours en deçà du lieu où elle s’est éclipsée la dernière fois. Chaque année il y a, à des jours et à des heures fixes, des éclipses de ces deux astres ; elles ne sont pas visibles partout quand elles arrivent de l’autre côté de la terre [dans l’hémisphère austral] (13), ni même quand elles arrivent de ce côté-ci [dans l’hémisphère boréal], quelquefois les nuages nous empêchant de les voir, plus souvent la convexité du globe terrestre y mettant obstacle. 2Grâce à la sagacité d’Hipparque, depuis moins de deux cents ans il est établi que la lune peut s’éclipser cinq mois après une éclipse précédente, et le soleil sept mois ; que le soleil peut être caché deux fois en trente jours pour notre côté de la terre, mais que ces éclipses ne sont pas vues toutes deux des même points ; que (circonstance particulièrement merveilleuse dans ce phénomène si merveilleux) l’ombre de la terre, qui va éclipser la lune, l’entame tantôt par la partie occidentale de son disque, tantôt par la partie orientale ; et que, ce qui est déjà arrivé une fois, la lune peut s’éclipser à son couchant au moment du lever du soleil, les deux astres étant sur l’horizon, quoique l’ombre qui cause l’éclipse doive être au-dessous. 3Quant à deux éclipses, l’une de lune et l’autre de soleil, se succédant dans un intervalle de quinze jours, cela s’est vu de notre temps sous le règne des deux Vespasien, le père et le fils étant en même temps consuls (14).

XI.

1(XIV.) La lune a toujours son croissant tourné à l’opposite du soleil, regardant l’orient quand elle croît, l’occident quand elle décroît : cela n’est pas douteux. À partir du second jour après la néoménie, la durée du temps pendant lequel elle luit augmente de dix-neuf vingt-quatrièmes d’heure (47 min. ½), jusqu’à ce qu’elle soit pleine, et diminue ensuite d’autant. Elle est in-