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PLEUSIDE. Et pourquoi pas ? c’est une douce besogne que de faire des enfants.

PÉRIPLECTOMÈNE. Par Hercule, la liberté est bien plus douce encore.

PALESTRION. Ma foi, vous êtes de bon conseil et pour les autres et pour vous.

PÉRIPLECTOMÈNE. D’abord, une bonne femme, s’il y en a jamais eu une au monde, où pourrais-je la rencontrer ? Et j’amènerais chez moi une créature qui jamais ne me dirait : s Allons, mon cher homme, achète de la laine pour te faire un manteau moelleux et bien chaud, de bonnes tuniques d’hiver pour ne pas te refroidir ! » Voilà un langage que jamais femme ne tient à son mari. Mais avant le chant du coq on m’éveillerait pour me dire : « Mon mari, donne-moi de quoi faire à ma mère, aux calendes[1] un cadeau agréable ; donne-moi un cuisinier, un pâtissier ; donne-moi de quoi donner, le jour des Quinquatries[2], à la charmeuse, à l’interprète, à la devineresse, à l’aruspice ; quelle honte si je ne leur envoie rien ! quelle mine elles vont me faire ! Celle qui m’a purifiée à mes relevailles, je ne puis sans la fâcher me dispenser de lui faire un présent. Il y a longtemps que la cirière est en colère de n’avoir rien reçu. La sage-femme se plaint que je lui aie envoyé trop peu. Et la nourrice qui a soin des petits esclaves, ne lui feras-tu rien porter ? » Toutes ces dépenses et tant d’autres me détournent de prendre une femme et de m’exposer à un pareil ramage.

PALESTRION. Les dieux vous sont propices, par Hercule ! car si vous renonciez une fois à votre liberté, vous auriez de la peine à la recouvrer.

PLEUSIDE. Pourtant il est honorable à un homme de grande naissance et de grande fortune d’élever des enfants pour perpétuer sa race et son nom.

PÉRIPLECTOMÈNE. Mais moi, avec une ribambelle de parents, qu’ai-je affaire d’enfants ? Je vis heureux et tranquille, à ma guise, à ma fantaisie. A ma mort, je léguerai mes biens à mes parents, j’en ferai le partage entre eux. En attendant, ils mangent chez moi, ils me soignent, ils viennent voir comment je me porte, si je n’ai besoin de rien. Avant le jour, ils sont là, pour me demander comment j’ai passé la nuit. Ils me tiennent lieu d’enfants ; bien mieux, ils m’envoient des cadeaux. Font-ils

  1. Aux calendes de mars, les Romains se donnaient les étrennes.
  2. Les fêtes de Minerve, qui se célébraient pendant cinq jours après les ides de mars.