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mauvaises que nous ne le sommes ; moi, toute la première, je viens de le voir par moi-même, je peux en parler. Que de soucis dans l’esprit, que d’angoisses, si mon stratagème allait échouer par la mort de cet enfant ! Je passe pour sa mère, raison de plus pour veiller sur ses jours, puisque j’ai osé ourdir une ruse si audacieuse. C’est la cupidité, c’est l’avarice qui m’ont entraînée à cette honte ; une autre a souffert, et j’usurpe le fruit. Mais il ne faut pas se mêler de fourberie, si l’on ne veut adroitement et finement pousser sa pointe. Vous voyez vous-mêmes dans quelle toilette je me présente ; je fais semblant de me ressentir d’une couche récente. Lorsqu’une femme a un tour dans la tête, il faut qu’elle en vienne à son but, ou la voilà malade, languissante, et c’est fait de la misérable. Si c’est une bonne action qu’elle a essayée, elle s’en dégoûte bien vite. Il y en a si peu qui se lassent de mal faire ! il y en a si peu qui persévèrent dans une voie honnête ! Le mal est pour elles une tâche beaucoup plus douce que le bien. Moi, si je suis malicieuse, je le dois aux conseils de ma mère et à ma propre malice ; j’ai fait croire à ce militaire babylonien que j’étais grosse, et je veux qu’il trouve le coup bien monté. Il sera bientôt ici, je pense ; je prends donc mes précautions, je m’arrange comme une nouvelle accouchée qui est alitée encore. Donnez-moi de la myrrhe, mettez le feu sur l’autel, que je rende hommage à Lucine ma protectrice… Posez tout cela ici, et retirez-vous. Holà, Pithécium, aide-moi à me mettre sur le lit ; approche : voici comment on aide une femme en couche… Ote-moi mes sandales, jette sur moi cette couverture, Archilis… Où es-tu, Astaphie ? Apporte-moi de la verveine, de l’encens, des dragées. De l’eau pour mes mains ; et maintenant, ma foi, je voudrais voir arriver le militaire.



SCÈNE VI. — STRATOPHANE, PHRONÉSIE, ASTAPHIE.


STRATOPHANE, devant la maison. N’attendez pas, spectateurs, que je vous raconte mes combats : c’est par mon bras que je me signale dans la bataille, et jamais par la langue. Je sais que beaucoup de militaires ont conté des menteries : après les singes d’Homère on en citerait encore un millier qui ont été convaincus et condamnés pour avoir imaginé des exploits. Il n’y a pas d’éloge à faire de celui qui obtient plutôt la créance d’un auditeur que d’un témoin oculaire. Je n’aime pas la louange qui vient après le récit de ce qu’on n’a pas vu. Un témoin qui a deux yeux