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DINARQUE. Oh ! non, pas moi. Mais il y a eu un temps, je m’en souviens, où nous ne nous plaisions pas trop l’un à l’autre… A propos, qu’ai-je donc appris à mon arrivée, et qu’as-tu fait de neuf pendant mon absence ?

PHRONÉSIE. Qu’est-ce ?

DINARQUE. D’abord il t’est survenu de la famille, et je te félicite d’être si heureusement accouchée.

PHRONÉSIE, à ses femmes. Rentrez, vous autres, et fermez la porte. (A Dinarque.) Il n’y a plus que vous pour m’entendre, je vous ai toujours confié mes plus grands secrets. Je ne suis point accouchée, je n’ai point été grosse, mais j’ai fait semblant de l’être ; je ne l’étais pas.

DINARQUE. Et à quoi bon, ma chère âme ?

PHRONÉSIE. C’est à cause du militaire babylonien, qui a vécu maritalement avec moi pendant l’année qu’il a passée ici.

DINARQUE. Je m’en étais douté. Mais enfin, dans quel but ? que gagnais-tu à feindre ainsi ?

PHRONÉSIE. Je voulais avoir un lien, un attrait pour le faire revenir auprès de moi. Il a répondu tout récemment à une lettre de moi qu’il verrait bien quelle affection je lui portais ; que si je prenais soin de l’enfant, si je relevais, il me donnerait tout son bien.

DINARQUE. Ton récit m’intéresse. Et que faites-vous à présent ?

PHRONÉSIE. Ma mère, voyant approcher le dixième mois, a ordonné à nos femmes d’aller de tous côtés, de s’informer, de se mettre en quête d’un petit garçon ou d’une petite fille, que je puisse faire passer pour mon enfant. Bref, vous connaissez Syra, notre coiffeuse, qui demeure vis-à-vis chez nous.

DINARQUE. Je sais.

PHRONÉSIE. Elle s’est mise à courir de maison en maison, chercher sans bruit un enfant, et elle vient de m’en apporter un. Elle dit qu’on le lui a donné.

DINARQUE. Oh ! les fines commères ! Alors ce n’est pas la première mère qui l’a mis au monde, c’est la seconde, c’est toi.

PHRONÉSIE. Vous y êtes. Maintenant, d’après le message que m’a envoyé le militaire, il sera ici d’un instant à l’autre.

DINARQUE. Et toi, en attendant, tu te soignes comme une nouvelle accouchée ?

PHRONÉSIE. Pourquoi pas, du moment où, sans se donner de mal, on peut en venir à ses fins ? Il est trop juste que chacun s’ingénie pour son intérêt.