PHRONÉSIE. Êtes-vous assez malhonnête, en revenant de Lemnos, pour ne pas donner un baiser à votre amie, mon cher Dinarque ?
DINARQUE, à part. Ah ! je suis battu, ma foi, et de belle sorte.
PHRONÉSIE. Que regardez-vous donc ?
DINARQUE. Bonjour, Phronésie.
PHRONÉSIE. Bonjour ; soupez-vous avec moi aujourd’hui, puisque vous voilà de retour et en bonne santé ?
DINARQUE. Je suis engagé.
PHRONÉSIE. Où donc souperez-vous ?
DINARQUE. Où tu voudras, ici.
PHRONÉSIE. Vous me ferez plaisir.
DINARQUE. Et à moi plus encore. Car tu seras à moi aujourd’hui, ma Phronésie.
PHRONÉSIE. Je le voudrais bien, si cela se pouvait.
DINARQUE. Alors qu’on me donne mes sandales, vite, ôtez la table.
PHRONÉSIE. Eh mais, êtes-vous fou ?
DINARQUE. Non, ma foi, je ne suis plus en état de boire, j’ai trop mal au cœur.
PHRONÉSIE. Restez, on s’arrangera, ne vous eu allez pas.
DINARQUE. Ah ! quelle fraîche rosée ! je reviens à moi ; remportez les sandales ; qu’on me verse à boire.
PHRONÉSIE. Sur ma foi, vous êtes toujours le même. Mais dites-moi, avez-vous fait un bon voyage ?
DINARQUE. Oui, par Hercule, en revenant, puisque j’ai la joie de te voir.
PHRONÉSIE. Embrassez-moi.
DINARQUE. De grand cœur. Ah ! voici qui est plus doux que le plus doux miel. En ce moment, Jupiter, mon sort est plus digne d’envie que le tien.
PHRONÉSIE. Me donnez-vous un baiser ?
DINARQUE. Dix plutôt.
PHRONÉSIE. De ce côté-là vous n’êtes pas pauvre ; vous m’offrez plus que je ne demande.
DINARQUE. Plût à Dieu que dans le temps j’eusse été aussi avare de mon bien que tu l’es aujourd’hui de tes baisers !
PHRONÉSIE. Si je pouvais ne pas vous faire perdre trop de temps, j’en serais, ma foi, bien aise.
DINARQUE. As-tu enfin terminé ta toilette ?
PHRONÉSIE. Oui, il me semble, autant que je puis voir. Est-ce que vous trouvez quelque chose à reprendre ?