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ASTAPHIE. Ce sont tes cris, ma foi, qui m’effrayent et me font rougir.

STRATILAX. Vraiment ? tu rougis ? comme si tu avais encore sur la peau une place qui pût changer de couleur, drôlesse ! Tu as étalé du vermillon sur tes joues et de la céruse sur tout le reste. Vous êtes de fières coquines.

ASTAPHIE. Que veux-tu dire avec tes coquines ?

STRATILAX. J’en sais plus que tu ne crois.

ASTAPHIE. Et que sais-tu, je te prie ?

STRATILAX. Je sais que le fils de la maison, Strabax, va se perdre chez vous, que vous l’entraînez à son malheur et à sa ruine.

ASTAPHIE. Si tu avais l’air d’être dans ton bon sens, je te dirais : Tu me fais injure. On ne se perd pas chez nous, on y perd ce qu’on a, et quand c’est fait, on peut s’en aller tout nu. Je ne connais pas votre jeune homme.

STRATILAX. Vraiment ?

ASTAPHIE. Tout de bon.

STRATILAX. Il n’y a qu’à interroger le mur du jardin, qui a toutes les nuits des briques de moins ; c’est par là qu’il s’est frayé ce chemin de malheur pour aller chez vous.

ASTAPHIE. Le mur n’est pas jeune ; belle merveille s’il en tombe de vieilles briques !

STRATILAX. Tu dis, coquine, que ce sont de vieilles briques qui tombent ? Par Pollux, que personne ne croie désormais à deux de mes paroles, si je ne dénonce votre conduite à mon vieux maître.

ASTAPHIE. Quelle violence !

STRATILAX. Ce n’est pas en entretenant des coureuses qu’il a amassé son bien, c’est en épargnant, en se privant ; et tout cela s’en va chez vous, misérables ! Gare à toi, triple voleuse, et que le malheur tombe sur vos têtes ! Je me tairais là-dessus ! Non, je cours à l’instant même sur la place, et je raconterai tout au vieillard, pour empêcher que son fils ne consomme sa ruine dans ce bouge. (Il sort.)

ASTAPHIE. Sur ma foi, quand il ne vivrait que de moutarde, il ne pourrait pas être plus désagréable ; mais quel dévouement à son maître !… Enfin, avec toute sa violence, je crois que les caresses et les autres armes des courtisanes peuvent en venir à bout. J’ai vu dompter plus d’un cheval fougueux, sans parler des autres bêtes… Mais voici mon fâcheux qui sort. Il est tout triste ; il n’a pas encore vu Phronésie.