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EUTYQUE. Arrêtez, Charinus.

CHARINUS. Qui me rappelle ?

EUTYQUE. L’Espoir, le Salut, la Victoire.

CHARINUS. Que me voulez-vous ?

EUTYQUE. Je veux aller avec vous.

CHARINUS. Cherchez un autre compagnon ; les camarades qui me tiennent ne veulent pas de vous.

EUTYQUE. Et qui sont-ils ?

CHARINUS. Le Souci, la Misère, le Chagrin, les Larmes, les Gémissements.

EUTYQUE. Laissez là ce cortége, regardez par ici et revenez.

CHARINUS. Si vous voulez vous entretenir avec moi, suivez-moi.

EUTYQUE. Arrêtez-vous à l’instant.

CHARINUS. Vous avez tort de me retarder ; je suis pressé. Le soleil baisse.

EUTYQUE. Vous feriez mieux de montrer pour revenir l’empressement que vous mettez à partir ; c’est par ici que souffle le bon vent ; virez seulement de bord. Ici le doux zéphyre, là l’auster orageux ; l’un fait régner le calme, l’autre soulève tous les flots. Revenez à terre, Charinus : ne voyez-vous pas en face de vous ce noir nuage et le grain qui vous menace ? Regardez maintenant à gauche, comme le ciel est radieux de sérénité.

CHARINUS. Son présage me frappe ; je reviendrai de son côté.

EUTYQUE. Bravo, Charinus, retournez sur vos pas, approchez-vous de moi, allongez le bras, prenez ma main ; la tenez-vous ?

CHARINUS. Oui.

EUTYQUE. Gardez-la. Où alliez-vous ?

CHARINUS. En exil.

EUTYQUE. Qu’y vouliez-vous faire ?

CHARINUS. Ce que fait un malheureux.

EUTYQUE. N’ayez pas peur, je vous remettrai la joie au cœur avant que vous partiez.

CHARINUS. Je pars.

EUTYQUE. Vous entendrez la nouvelle que vous désirez le plus et qui vous fera le plus de plaisir. Arrêtez-vous donc, c’est un ami plein de tendresse qui vient à vous.

CHARINUS. Qu’y a-t-il ?

EUTYQUE. Votre maîtresse…

CHARINUS. Eh bien ?

EUTYQUE. Je sais où elle est.

CHARINUS. Vous ?

EUTYQUE. Saine et sauve.