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eau, quand l’un d’eux a escamoté les souliers d’un coureur en pleine course ?

CHARMIDE, à part. Les dieux me protègent, l’admirable filou !

STASIME. A quoi bon chercher ce qui est, perdu, à moins de vouloir ajouter la peine à la perte ? Dis-toi plutôt que ce qui est flambé est flambé, et vire de bord. Retourne auprès de ton maître.

CHARMIDE. Ce n’est pas un fuyard, il se souvient du logis.

STASIME. Plût aux dieux que les mœurs antiques, les vieilles traditions d’économie fussent ici plus en honneur que les mauvaises pratiques !

CHARMIDE. Dieux puissants ! le voilà qui se met à parler d’or. Il regrette le passé, on voit qu’il aime le bon vieux temps, les mœurs des ancêtres.

STASIME. Les gens d’aujourd’hui n’estiment pas ce qui est bien, mais ce qui est à leur goût ; l’ambition est consacrée par l’usage et affranchie des lois ; jeter son bouclier, tourner le dos à l’ennemi, c’est chose autorisée par la coutume ; demander les honneurs comme le prix de la honte, cela se fait tous les jours.

CHARMIDE. Détestable coutume !

STASIME. Laisser de côté l’honnête homme, c’est encore l’usage.

CHARMIDE. Triste usage !

STASIME. Les mœurs se sont rendues maîtresses des lois, qui leur obéissent mieux que l’enfant à père et mère. Les malheureuses sont attachées à la muraille avec des clous de fer ; ce devrait être plutôt la place des mauvaises mœurs.

CHARMIDE. J’ai envie de l’aborder, de lui parler ; mais j’ai trop de plaisir à l’entendre, et je crains, si je l’interromps, qu’il ne se mette à causer d’autre chose.

STASIME. Pour nos gens d’à présent, la loi n’a point de sévérité. Les lois sont les esclaves des mœurs, et les mœurs sont ardentes au pillage du bien sacré et du bien public.

CHARMIDE. Par Hercule, voilà des mœurs qu’il serait bon de châtier d’importance.

STASIME. Et dire que la société reste indifférente, quand cette race d’hommes est ennemie de tout le monde et nuit à tous les citoyens ! En ne respectant pas leur parole, ils enlèvent tout crédit à ceux même qui sont sans reproche ; on juge du caractère des autres d’après le leur. C’est un fait tout récent qui m’a fait venir ces pensées. Si vous prêtez, vous perdez ce qui était