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LE SYCOPHANTE. Oui, dans un batelet, en allant toujours contre le courant.

CHARMIDE. Ah ça, est-ce que vous avez vu aussi Jupiter ?

LE SYCOPHANTE. Les autres dieux nous ont dit qu’il était allé à sa ferme pour distribuer les vivres aux esclaves. Après cela…

CHARMIDE. Après cela, je ne peux plus rien entendre.

LE SYCOPHANTE. Ni moi rien dire, si vous m’ennuyez.

CHARMIDE. C’est qu’on ne peut être un honnête homme, quand on a voyagé de la terre au ciel.

LE SYCOPHANTE. Je vais vous quitter, je vois que c’est votre envie ; mais indiquez-moi les personnes que je cherche ; il faut que je leur remette ces lettres.

CHARMIDE. Dites-moi, maintenant, si par hasard vous aperceviez ce Charmide, qui vous a chargé, dites-vous, des missives, est-ce que vous le reconnaîtriez ?

LE SYCOPHANTE. Vous me prenez donc pour une grosse bête. si j’allais ne pas reconnaître un homme avec qui j’ai passé ma vie ? Serait-il assez sot pour me confier mille philippes d’or que je dois compter à son fils et à son ami Calliclès, celui qu’il a chargé, m’a-t-il dit, de ses affaires ? Me les confierait-il si je ne le connaissais pas et s’il ne me connaissait pas bien aussi ?

CHARMIDE, à part. En vérité, je vêtit duper mon dupeur, et tâcher de lui attraper ces mille philippes dont il prétend que je l’ai chargé ; un homme que je ne connais pas, que je n’ai vu de ma vie, j’irais lui confier mon or ! Il s’agirait de son existence que je ne lui prêterais même pas une pièce de plomb. Je m’en vais l’attaquer adroitement. (Haut.) Hé, Chut ! j’ai deux mots à vous dire.

LE SYCOPHANTE. Deux Cents si vous voulez.

CHARMIDE. Avez-vous cet or, que vous avez reçu de Charmide ?

LE SYCOPHANTE. Oui, de bons philippes, qu’il a comptés de sa main sur la table du banquier, mille pièces.

CHARMIDE. Et c’est Charmide lui-même qui vous les a remis ?

LE SYCOPHANTE. Il est bien étonnant, n'est-ce pas, que ce ne soit pas son grand-père ou son bisaïeul, qui sont trépassés ?

CHARMIDE. L’ami, donnez-moi cet or.

LE SYCOPHANTE. Quel or ?

CHARMIDE. Celui que vous avouez avoir reçu de moi.