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comme tu fais toujours. C’est pour cela que je désire tant te voir conserver cette campagne ; c’est pour que tu aies la facilité de t’amender, et que ceux de tes concitoyens qui ne t’aiment point ne puissent pas te reprocher une misère complète.

LESBONICUS. Je sais tout ce que tu viens de me dire, et je pourrais même le coucher par écrit. Oui, j’ai mangé mon patrimoine, j’ai souillé la gloire de mes ancêtres. Je savais comment me conduire ; mais hélas ! je ne le pouvais pas, tant la puissante Vénus m’avait enlacé et, grâce à mon oisiveté, avait su m’entraîner dans ses rets. Et maintenant, j’ai pour toi toute la reconnaissance que tu mérites.

LYSITÉLÈS. Mais que ma peine soit inutile, que ton cœur méprise mes paroles, c’est là ce que je ne peux souffrir ; et d’ailleurs je gémis de te voir si peu de pudeur. Enfin, si tu ne m’écoutes, si tu ne fais ce que je te dis, tu te cacheras si bien derrière toi-même que l’honneur ne saura plus te trouver ; tu croupiras dans un coin, au moment même où tu voudras le distinguer. Je connais à fond, Lesbonicus, ton caractère inexpérimenté. Je sais que si tu as fait des fautes, ce n’est pas par penchant, mais parce que l’amour avait obscurci tes lumières : moi-même je connais l’amour et toutes ses pratiques. L’amour, c’est une baliste qui lâche sa flèche ; rien d’aussi prompt, rien qui vole aussi vite que lui pour jeter la folie et la bizarrerie dans le cœur de l’homme. Ce qu’on nous conseille le plus est ce qui nous plait le moins ; ce dont on nous détourne nous sourit. Ce qu’on n’a pas, on le désire ; ce qu’on possède, on n’en veut plus. Veut-on nous éloigner, on nous pousse ; nous exhorter, on nous défend. C’est le pire des maux que de se loger à l’hôtel de Cupidon. Mais je t’avertis de bien réfléchir encore à ce que tu veux faire. Si tu persistes dans le dessein que tu annonces, tu mettras le feu à ta maison, et puis tu voudras de l’eau pour éteindre l’incendie ; si tu en trouves, car les amoureux ne manquent pas d’industrie, tu ne laisseras pas même une étincelle pour ranimer ta race.

LESBONICUS. C’est facile à trouver : le feu se donne, même quand c’est à un ennemi qu’on en demande. Mais toi, qui veux me ramener au bien par tes sermons, tu m’entraînes dans une voie pire encore. Tu veux que je te donne ma sœur ; tu me conseilles de te la donner sans dot : cela ne convient pas. Moi qui ai été le bourreau du patrimoine, je vivrai donc dans l’aisance, j’aurai une campagne, et je la laisserai dans la pauvreté, pour qu’elle me déteste ? et elle ferait bien. Pour avoir du