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SCÈNE II. — LYSITÉLÈS, LESBONICUS, STASlME.


LYSITÉLÈS. Arrête donc, ne te détourne pas, ne te cache pas à mes regards.

LESBONICUS. Ne peux-tu me laisser poursuivre mon chemin ?

LYSITÉLÈS. Si c’est pour ton avantage, Lesbonicus, s’il y va de ta gloire et de ta réputation, je le veux bien.

LESBONICUS. Tu fais ce qu’il y a de plus facile.

LYSITÉLÈS. Quoi donc ?

LESBONICUS. Un affront à un ami.

LYSITÉLÈS. Ce n’est pas dans mon caractère ni conforme à mon éducation.

LESBONICUS. Tu t’y entends joliment pour n’avoir pas appris ! Que serait-ce donc si l’on t’avait enseigné à m’être désagréable ! Tu as l’air de vouloir me faire du bien, mais tu me fais du mal et tu es désobligeant.

LYSITÉLÈS. Moi ?

LESBONICUS. Oui, toi.

LYSITÉLÈS. Comment est-ce que je te fais du mal ?

LESBONICUS. En faisant ce que je ne veux pas.

LYSITÉLÈS. Eh ! je ne pense qu’à ton intérêt.

LESBONICUS. Tu es donc meilleur pour moi que je ne le suis moi-même ? J’ai assez de jugement pour démêler ce qui m’est profitable.

LYSITÉLÈS. Est-ce du jugement que de repousser le bienfait d’un ami ?

LESBONICUS. À mes yeux, ce qui déplaît à Celui qu’on veut obliger n’est pas un bienfait. Je sais, je sens comment je dois agir, le sentiment du devoir ne m’a pas abandonné, et tous tes propos ne m’empêcheraient pas de respecter l’opinion.

LYSITÉLÈS. Qu’est-ce à dire ? car je ne peux me contenir, et tu entendras ce que tu mérites. Tes ancêtres t’ont-ils donc transmis un nom honorable, pour dissiper dans la débauche les biens amassés par leur vertu, et pour ravir d’avance la considération à tes descendants ? Ton père et ton aïeul t’avaient rendu praticable et aisée la route qui mène à la réputation ; toi, tu l’as faite difficile par ta fainéantise surtout et ta sotte conduite. De parti pris tu as donné à l’amour le pas sur la vertu. Crois-tu que ce soit là le moyen de couvrir tes fautes ? Non, il n’en est rien ! Ouvre ton cœur à la vertu, bannis de ton âme la paresse ; sers tes amis au tribunal et non ta maîtresse dans son lit,