Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LESBONICUS. Je tiens à la lui donner.

STASIME, bas. Comment, maître, notre nourrice, celle qui nous fait vivre, vous voulez nous en défaire ? gardez-vous-en bien : que mangerions-nous ensuite ?

LESBONICUS. Veux-tu te taire ! Te dois-je des comptes ?

STASIME, à part. C’est fait de nous, si je ne trouve rien. (Haut.} Philton, deux mots.

PHILTON. Je t’écoute, Stasime.

STASIME. Venez un peu par ici.

PHILTON. Soit.

STASIME. Je vous dis un grand secret… n’allez pas le lui répéter, ni à personne au monde.

PHILTON. Fais-moi sans crainte tes confidences.

STASIME. Je vous dis donc, au nom des dieux et des hommes, de ne pas permettre que cette campagne devienne votre propriété ou celle de votre fils. Je vais vous en donner la raison.

PHILTON. Je suis curieux, ma foi, de l’entendre.

STASIME. D’abord, si l’on s’avise d’y labourer, au cinquième sillon les bœufs tombent morts.

PHILTON. Bah !

STASIME. C’est chez nous que se trouve la porte de l’Achéron. Et puis le raisin, avant la vendange, pourrit sur pied.

LESBONICUS, à part. Il endoctrine notre homme, je suis sur. Tout coquin qu’il est, il m’est attaché.

STASIME. Écoutez encore. Outre cela, tandis qu’ailleurs on fait de riches moissons, notre terre nous rend trois fois moins qu’on n’y a semé.

PHILTON. Hé, hé, il faut y semer les mauvaises mœurs, pour voir si on n’arriverait pas à les détruire.

STASIME. Cette terre n’a jamais appartenu à personne sans que ses affaires aient tourné au plus mal. Des propriétaires, les uns se sont expatriés, les autres sont morts, d’autres se sont pendus. Et voyez, son maître d’aujourd’hui, dans quelle détresse il est tombé.

PHILTON. Foin d’une pareille propriété !

STASIME. Vous le diriez encore bien mieux si je vous avais tout raconté. Sur deux arbres, il y en a un frappé de la foudre. Les cochons y meurent d’angine en un clin d’œil. Les brebis y sont galeuses, et autant de laine, tenez, que sur ma main. Jusqu’aux Syriens, la race la plus dure, il n’y en a pas un qui ait vécu là six mois seulement : ils y crèvent comme des mouches, de fièvres pernicieuses.