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ami. Donc, pour mille raisons, il faut éviter de faire connaissance avec l’amour ; tenons-le à distance, ne le fréquentons pas : se jeter dans les bras de l’amour, c’est pis encore que de faire la culbute du haut d’un rocher. Bonsoir, amour ! reste chez toi. Amour, ne sois jamais mon ami ; tu as assez de misérables à tourmenter, à faire gémir sous tes lois. C’est décidé, je me tournerai vers la sagesse, et pourtant c’est une rude tâche pour un cœur : ce que les honnêtes gens ambitionnent, c’est la fortune, le crédit, la considération, la renommée, la faveur. Telle est la récompense de l’homme vertueux. Aussi, j’aime mieux vivre avec les gens de bien qu’avec les libertins et les hâbleurs.


SCÈNE II. — PHILTON, LYSITÉLÈS


PHILTON. Où a-t-il été en sortant de la maison ?

LYSITÉLÈS. Me voici, mon père. Vous n’avez qu’à commander, je ne vous ferai pas attendre, et je ne me cacherai pas pour éviter vos regards.

PHILTON. Tu ne démentiras pas le reste de ta conduite, si tu honores ton père. Au nom de ce respect, mon cher fils, je t’en prie, n’entre jamais en conversation avec les mauvais garnements, ni dans la rue, ni sur la place publique. Je connais les mœurs de notre temps : le méchant veut perdre le bon pour le faire devenir semblable à lui-même ; le désordre, la confusion sont le fruit de la dépravation générale, de la rapacité, de la cupidité, de l’envie ; on prend le sacré pour le profane, le bien public pour le bien privé : c’est une race insatiable. Voilà ce qui m’afflige, voilà ce qui me met à la torture, voilà ce dont jour et nuit je te répète de te préserver. Ils épargnent seulement ce que leur main ne peut atteindre : du reste, prends, emporte, fuis, ne te laisse pas voir. Ces choses, quand j’en suis le témoin, me tirent des larmes : je devais donc vivre jusqu’à une pareille race ! Que ne suis-je descendu auparavant chez les morts ! Ces gens-là louent les mœurs de leurs ancêtres, et en les louant, ils se couvrent de boue. Je te dispense de mettre de tels principes en pratique et d’en pénétrer ton cœur : Vis à ma manière et selon les mœurs du vieux temps ; fais ce que je te recommande ; je méprise ces folies et ces dérèglements dans lesquels les bons même perdent l’honneur. Si tu t’attaches à mes leçons, tous les bons sentiments auront leur siège dans ton âme.

LYSITÉLÈS. Toujours jusqu’à cet âge, depuis que je suis entré