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ACTE II.


SCÈNE I.


Je roule mille pensées à la fois dans ma tête, et mes réflexions me remplissent de douleur : je me consume, je me mine, je me mets sur les dents. Mon . esprit est pour moi un maître de gymnastique : mais je ne vois pas clair encore, je n’ai pas assez étudié le parti que je dois prendre et qui est le plus solide dans la vie. Vaut-il mieux écouter l’amour ou l’intérêt ? lequel des deux fait l’existence plus douce ? Non, je ne distingue pas bien encore ; mais voici ce que je pense : j’étudierai les deux à la fois, et je serai en même temps juge et partie. Oui, c’est cela ! bonne idée ! Et d’abord, j’énumérerai les pratiques de l’amour et leurs résultats. L’amour ne veut prendre dans ses filets que l’homme passionné ; voilà ceux qu’il recherche, qu’il poursuit, qu’il flatte et câline. Il donne des conseils contraires à l’intérêt, mielleux en paroles, rapace, menteur, cupide, élégant, spoliateur, corrupteur de quiconque aime les petits coins, patelin, besoigneux, dépistant les cachettes : car une fois que l’amoureux est blessé par les baisers acérés de ce qu’il aime, aussitôt l’argent coule et se fond. « Donne-moi ceci, miel de ma vie, si tu m’aimes, je t’en prie. » Et le pauvre oison : « Oui, prunelle de mes yeux, tu l’auras, et si tu veux plus encore, on te le donnera. » Elle de redoubler sur la bête prise par la patte ; ses exigences croissent. Mais il ne pâtirait pas assez ; il faut qu’il dépense plus encore à boire, à manger, à jeter l’argent par les fenêtres. Lui accorde-t-on une nuit ? on amène toute une ribambelle, femmes de chambre, parfumeur, gardien des bijoux, remueuses d’éventail, porteuses de sandales, chanteuses, préposées aux cassettes, messagers, coureurs, voleurs de pain et de provisions. Tandis qu’il fait l’aimable avec eux, notre amoureux se réduit à la besace. Quand je réfléchis à cela, quand je me rappelle comme on regarde de haut en bas celui qui n’a rien, va-t’en, amour, tu me déplais, je n’ai que faire de toi, bien que boire et manger soient deux choses agréables. L’amour donne trop d’amertumes et de chagrins. Il fuit la place publique, il met en fuite vos parents et se fuit lui-même pour ne pas se voir. Personne ne veut l’avouer pour son