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MÉGARONIDE. Où demeure à présent notre blanc-bec ?

CALLICLÈS. En vendant la maison il s’est réservé le derrière.

MÉGARONIDE. C’est là ce que je voulais savoir : allez donc maintenant. Mais dites-moi.

CALLICLÈS. Qu’y a-t-il ?

MÉGARONIDE. La jeune fille reste chez vous ?

CALLICLÈS. Oui, et j’en ai les mêmes soins que de la mienne.

MÉGARONIDE. C’est fort bien fait.

CALLICLÈS. Avez-vous encore quelque question à me faire, avant que je m’en aille ?

MÉGARONIDE. Bonjour.


SCÈNE III. — MÉGARONIDE.


Non, il n’y a rien de plus sot, de plus bête, de plus menteur, de plus bavard, de plus hâbleur, de plus perfide, que ces bourgeois qui ne bougent jamais de la ville et qu’on appelle de beaux esprits. Quant à moi, je peux me compter aussi dans la bande, pour avoir prêté l’oreille à leurs calomnies. Ils se donnent des airs de tout savoir, et ne savent rien. Ils sont au courant de ce que chacun pense ou va penser ; ils savent ce que le roi a dit à l’oreille de la reine ; ils savent ce dont Junon a causé avec Jupiter ; enfin ce qui n’arrivera pas, ce qui n’est pas arrivé, ils ne le savent pas moins. Qu’ils louent, qu’ils blâment, à tort ou à raison, celui-ci ou celui-là, ils ne s’en soucient guère, pourvu qu’ils sachent tout ce qu’il leur prend lubie de savoir. Tout lu monde chantait que Calliclès, par sa conduite, était indigne de la cité, qu’il avait dépouillé ce jeune homme de sa fortune. Et moi, sur les propos de ces colporteurs de nouvelles, sans rien savoir, j’accours laver la tête à un ami innocent. Si l’on remontait à la source des cancans pour savoir qui a dit ce que tel répète, et si, quand il ne peut citer son autorité, le colporteur était sévèrement puni ; oui, si l’on faisait ainsi, on rendrait service au public. On verrait peu de gens savoir ce qu’ils ne savent pas, et les sots bavards n’ouvriraient pas tant la bouche.


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