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dant encore la vie et le sentiment. Au contraire, ceux qu’elle se plaît à nourrir et à élever, deviennent d’autant plus à plaindre qu’ils meurent après avoir perdu tout sentiment du malheur dont ils sont les victimes. Ses amis languissent, ils mordent la poussière dans les transports de leur rage, ils rampent sur la terre, ils frémissent, et font un horrible vacarme, et tandis qu’ils se croient pleins de vie, ils sont précipités dans le tombeau. Dès que les jeunes gens se mettent à poursuivre l’objet de leur passion, ils chancellent, et les vieillards qui les imitent font de lourdes chutes. Les premiers aiment, et veulent qu’on connaisse et qu’on aime l’objet de leur amour. Quand les autres commencent à aimer au déclin de leur vie, ils commettent encore bien plus d’extravagances que les autres ; et s’ils n’aiment pas, ils sont ennemis des plaisirs, haineux, incommodes, chagrins, babillards, contrariants, emportés, insupportables à eux-mêmes et aux autres. Si l’on commet devant eux quelque faute, même légère, oubliant qu’ils en ont commis de plus graves dans leur jeunesse, non-seulement ils n’ont plus cette indulgence qui convient à un père, mais ils crient et s’emportent d’une manière indécente.

SYRA, à part. Si j’en juge par ce que j’entends, elle est irritée contre Démiphon.

PÉRISTRATE continue. Rien de plus vrai : mon fils aime et dépérit à vue d’œil. Le père l’apprend ; il entre en fureur contre ce fils. Mon cher époux a déjà une fois éloigné de moi cet enfant, en l’envoyant faire le commerce à Rhodes. Maintenant Acanthion m’annonce que son jeune maître consent à s’exiler. O père injuste ! ô fils infortuné ! Quel sera le lieu de ton exil ? Tu abandonnerais une mère ? Je resterais seule, et mon enfant serait perdu pour moi ! Je ne le souffrirai jamais. Ton père a vendu celle que tu chéris ? Hé bien ! ta mère la rachètera partout où elle pourra la trouver. Dis-moi, Lycissa, ne l’a-t-on pas amenée dans ce voisinage ?

LYCISSA. Oui ; je la crois chez un vieillard ami de Démiphon.

PÉRISTRATE. Je ne connais ici près que Lysimaque.

SYRA, à part. Elles prononcent le nom de Lysimaque. C’est une chose fort plaisante que nos deux vieillards aient jeté les yeux sur le même nid.

PÉRISTRATE. Allons trouver Dorippe.

LYCISSA. Pourquoi l’aller trouver ? Ne la voyez-vous pas ?

PÉRISTRATE. En effet, je l’aperçois : écoutons. Elle est en colère ; je ne sais ce qu’elle marmotte entre ses dents.