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PANÉGYRIS. A la bonne heure, voila un sage conseil ; là-dessus, nous vous écouterons. (Il s’en va.) Entrons, ma sœur.

PINACIE. Non, je veux d’abord faire un tour chez moi. Si par hasard tu reçois des nouvelles de ton mari, préviens-moi.

PANÉGYRIS. Je ne te cacherai rien, ne me cache rien non plus de ce que tu apprendras. (Pinacie sort.) Hé ! Crocotie, va chercher le parasite Gélasime ; amène-le avec toi : je veux l’envoyer au port, pour savoir s’il n’est pas arrivé d’Asie quelque vaisseau, hier ou aujourd’hui. J’ai bien un esclave qui fait sentinelle là-bas du matin au soir, mais pourtant je désire qu’on y donne un coup d’œil. Hâte-toi et reviens vite. (Elle rentre.)


SCÈNE III. — GÉLASIME, CROCOTIE.


GÉLASIME, sans voir Crocotie. Je suppose bien que j’ai eu pont mère la Faim ; car depuis que je suis au monde jamais je ne me suis senti rassasié. Jamais personne ne témoignera à sa mère plus de reconnaissance que je n’en témoigne, bien malgré moi, à la mienne. Elle m’a porté dix mois dans son sein, et moi voici plus de dix ans que je la porte dans mon ventre. Quand elle me portait, j’étais tout petit, elle se fatiguait d’autant moins, je pense ; et moi ce n’est pas une toute petite faim que je porte dans mes entrailles, c’est une grande et grosse gaillarde, ma foi. Tous les jours je me sens venir des maux de ventre, mais je ne peux accoucher de ma mère, je ne sais comme cela se fait. J’ai entendu dire bien des fois que la femelle dé l’éléphant porte dix années entières ; il faut que la faim soit de la même race, car voilà longues années qu’elle est logée dans mon sein. Maintenant, si quelqu’un veut un homme pour le faire rire, je suis à vendre avec mon équipement au complet. Je cherche de quoi combler mes vides. Mon père m’a donné le nom de Gélasime, parce que tout bambin j’étais déjà plaisant. La pauvreté aussi m’a fait avoir ce nom, c’est grâce à elle que j’ai pris le métier de bouffon : elle dresse à toutes sortes d’industries celui sur qui elle a mis le grappin. Mon père disait que j’étais né en temps de disette ; c’est pour cela sans doute que je crève si fort la faim. Mais en revanche notre famille est douée d’une telle politesse, que je ne refuse jamais quand on m’invite à manger. Malheureusement certains tours de conversation ont disparu de la société, les meilleurs, ma foi, à mon sens, et les plus aimables, on s’en servait dans le temps. « Venez souper