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GRIPUS. Si tu veilles à la proue, j’aurai l’œil au gouvernail. Lâche ce câble, coquin.

TRACHALION. Je le lâcherai ; lâche la valise.

GRIPUS. Va, tu n’en auras pas de quoi t’enrichir d’un fétu.

TRACHALION. Quand tu dirais cent fois non, tu ne viendras pas à bout de moi ; il faut ou me donner ma part ou aller trouver, un arbitre, ou remettre la valise à un dépositaire.

GRIPUS. Quand je l’ai prise dans la mer ?

TRACHALION. Oui, car je te voyais depuis le bord.

GRIPUS. En faisant mon métier, avec mon filet et ma nacelle ?

TRACHALION. Si le propriétaire arrivait, en serais-je moins traité comme voleur que toi, moi qui te voyais de bien loin la prendre ?

GRIPUS. Pas du tout.

TRACHALION. Reste, drôle. Pour quelle raison ne suis-je pas ton associé, si je suis aussi le voleur ? apprends-le-moi.

GRIPUS. Je n’en sais rien ; je ne connais pas vos lois à vous autres citadins ; mais c’est à moi, voilà tout ce que je dis.

TRACHALION. Et moi aussi je dis que c’est à moi.

GRIPUS. Attends, j’ai trouvé un moyen pour que tu ne sois ni voleur ni associé !

TRACHALION. Lequel ?

GRIPUS. Laisse-moi m’en aller ; passe ton chemin sans rien dire ; ne me dénonce à personne et je ne te donnerai rien. Tais-toi, je serai bouche close : voilà le meilleur et le plus juste.

TRACHALION. Veux-tu faire un arrangement ?

GRIPUS. Il est tout fait pour moi : va-t’en, lâche le câble, et ne m’ennuie pas.

TRACHALION. Attends, que je fasse aussi mes propositions.

GRIPUS. Je t’en prie, détale seulement.

TRACHALION. Connais-tu quelqu’un par ici ?

GRIPUS. Mes voisins, probablement.

TRACHALION. Où demeures-tu ?

GRIPUS. Là-bas, bien loin, tout au bout des champs.

TRACHALION. Veux-tu nous en rapporter à l’habitant de cette métairie ?

GRIPUS. Lâche un peu le câble, que je m’éloigne pour réfléchir.

TRACHALION. Soit.

GRIPUS, à part. Bravo ! je suis sauvé : le butin est pour toujours à moi. Il me donne mon maître pour arbitre, là, dans la