Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ma foi, il aurait été mieux inspiré de dormir au logis : il perd sa peine et use des filets avec le temps qu’il fait à présent et qu’il a fait cette nuit. Je ferais bien cuire sur le bout de mon doigt ce qu’il aura pris, tant je vois la mer rouler de grosses vagues. Mais ma femme m’appelle pour dîner, je rentre à la maison ; dans un moment elle me rompra le tympan avec son bavardage.


SCÈNE II. — GRIPUS.


Je rends grâce à Neptune mon patron, à l’habitant des plaines salées et poissonneuses, pour m’avoir laissé sortir en si bon état de son empire, chargé de butin, sans avarie à ma barque qui sur cette mer houleuse m’a enrichi d’une abondante et nouvelle pêche. C’est étonnant, c’est incroyable, comme cette pêche m’est gentiment arrivée ; je n’ai pas pris une once de poisson, mais seulement ce que je porte dans ce filet. Il faisait nuit noire quand je me suis levé bravement, préférant le gain au repos et au sommeil ; parle gros de la tempête, j’ai voulu essayer si je pourrais soulager la pauvreté de mon maître et ma servitude ; je n’ai pas épargné ma peine. C’est bien peu de chose qu’un paresseux ; je déteste cette engeance. Il faut veiller quand on veut remplir à temps ses devoirs ; il ne faut pas attendre que le maître vous fasse lever pour travailler. Ceux qui aiment à dormir ne gagnent à se reposer que des gourmades. Mais moi, qui me suis montré actif, j’ai de quoi faire le paresseux si cela me plaît. J’ai trouvé ceci dans la mer, je ne sais ce que c’est, mais que ce soit ce que ça voudra, c’est lourd ; je pense bien qu’il y a de l’or là dedans, et personne ne m’a vu. Voilà une heureuse occasion, Gripus, de te faire affranchir par le préteur et de te tirer du pair. Voici ce que je ferai, voici mon idée ; j’aborderai mon maître finement, adroitement ; je lui offrirai tout doucettement de l’argent pour me racheter. Puis quand je serai libre, je me donnerai une terre, une maison, des esclaves ; je ferai le négoce avec de beaux vaisseaux ; je prendrai rang parmi les gros bonnets ; et puis je me ferai faire un navire pour mon agrément, comme Stratonice[1], et je me promènerai de ville en ville. Quand mon nom sera devenu célèbre, je bâtirai une grande cité : je l’appellerai Gripus, en mémoire de ma renommée et de

  1. Joueur de cithare, du temps de Philippe de Macédoine. Il passa presque toute sa vie à courir de ville en ville.