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EUTYQUE. Pourquoi former une pareille résolution ?

CHARINUS. Parce que l’amour me torture.

EUTYQUE. Et dites-moi, quand vous serez arrivé où vous voulez aller, si par hasard vous tombez amoureux et que vous soyez encore privé de votre objet, fuirez-vous de nouveau ? et plus tard encore d’ailleurs, si même disgrâce vous arrive ? Quel sera le terme de votre exil ? quand cesserez-vous de fuir ? Où aurez-vous une patrie, une demeure assurée ? répondez-moi. Et si vous quittez cette ville, croyez-vous que vous y laisserez votre amour ? Si vous le pensez, si vous en êtes sûr, ne vaut-il pas bien mieux vous en aller à la campagne, y rester, y vivre, jusqu’à ce que vous soyez affranchi de cet amour, de ces désirs ?

CHARINUS. Est-ce tout ?

EUTYQUE. Oui.

CHARINUS. Paroles perdues : je suis décidé. Je vais à la maison saluer mon père et ma mère ; puis je m’éloignerai du pays sans que mon père en sache rien, ou je prendrai quelque autre parti. (Il sort.)

EUTYQUE. Comme il s’en va tout d’un coup, comme il se dérobe ! Ah ! que je suis malheureux ! S’il part pour l’étranger, tout le monde dira que mon indolence en est la cause. Je veux louer tous les crieurs pour la faire chercher et découvrir ; puis je me rendrai chez le préteur, je le prierai de me donner des agents qui feront des perquisitions dans toutes les rues : car je vois bien que c’est là tout ce qui me reste à faire.


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ACTE IV.


SCÈNE I. — DORIPPE, SYRA.


DORIPPE. Puisque mon mari m’a fait dire qu’il ne viendrait pas à la campagne, j’ai suivi ma fantaisie, je suis revenue pour chercher celui qui me fuit. Mais je ne vois pas arriver notre vieille Syra… Ah ! la voici enfin ; marche donc plus vite.

SYRA. Je ne le peux, en vérité, avec le fardeau que je porte.

DORIPPE. Quel fardeau ?

SYRA. Quatre-vingt-quatre ans ; ajoutez-y la servitude, la sueur, la soif ; et puis ces objets que j’ai là me pèsent aussi.

DORIPPE. Syra, donne-moi quelque chose pour mettre ici sur l’autel du voisin.