LABRAX. Hélas ! Palestra, Ampélisca, où êtes-vous à cette heure ?
CHARMIDÈS. M’est avis . qu’elles donnent au fond de l’eau la pâture aux poissons.
LABRAX. C’est grâce à vous que me voilà à la mendicité, pour avoir écouté vos grands mots et vos mensonges.
CHARMIDÈS. Vous devriez au contraire me savoir bon gré, puisque grâce à moi, d’insipide que vous étiez vous êtes devenu plein de sel.
LABRAX. Laissez-moi et allez à la malheure.
CHARMIDÈS. Allez-y ; c’est ce que moi-même je faisais tantôt.
LABRAX. Hélas ! y a-t-il sur terre un homme plus malheureux que moi ?
CHARMIDÈS. Je suis encore bien plus à plaindre que vous, Labrax.
LABRAX. Comment cela ?
CHARMIDÈS. Parce que je ne méritais pas de l’être et que vous le méritez.
LABRAX. Osier, osier, que j’envie ton sort ? tu as l’avantage d’être toujours sec.
CHARMIDÈS. Je fais un exercice d’escrime ; car je ne puis dire un mot sans que mes lèvres grelottent.
LABRAX. Par Pollux. que tes bains sont rafraîchissants, ô Neptune ! Je sors de chez toi tout habillé, et je suis transi. Il n’a pas même établi un pauvre cabaret ; il vous offre une boisson si salée et si perfide !
CHARMIDÈS. Heureux les forgerons ! assis auprès d’un brasier, ils ont toujours chaud.
LABRAX. Si seulement j’avais la chance des canards, de sortir de l’eau et malgré cela d’être sec !
CHARMIDÈS. Si je me louais à quelque troupe, pour jouer l’homme aux grandes mâchoires[1] ?
LABRAX. Pourquoi cela ?
CHARMIDÈS. Parce que mes dents claquent à grand bruit. J’ai bien mérité de prendre un bain.
LABRAX. Parce que ?
CHARMIDÈS. Parce que j’ai osé m’embarquer avec vous, qui avez fait soulever les mers du fond de leur lit.
LABRAX. Je vous ai écouté, vous m’assuriez qu’on gagnait
- ↑ Manducus, sorte d’épouvantail aux longues dents et à la bouche largement fendue.