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vase de la déesse. Si un magistrat me le voyait à la main, il serait dans son droit en me faisant mourir en prison. Elle est gravée et vous dit tout de suite à qui elle est. Ma foi je vais appeler la prêtresse pour qu’elle vienne prendre sa cruche : approchons de la porte Holà, Ptolémocratie, prenez votre cruche ; elle m’a été apportée par je ne sais quelle jeune fille.... Allons, je vais la rentrer dans le temple. Je ne manquerai pas de besogne s’il faut encore leur apporter l’eau chez elles.


SCÈNE VI. — LABRAX, CHARMIDÈS.


LABRAX. Si l’on veut tomber dans la misère et se réduire à la besace, on n’a qu’à se confier, soi et sa vie, à Neptune ; ayez affaire avec lui, voilà dans quel équipage il vous renvoie chez vous. Tu es ma foi gentille, Liberté, de n’avoir jamais voulu mettre le pied sur un vaisseau avec Hercule[1] ! Mais où est-il cet hôte, la cause de ma ruine ? Ah ! le voici qui vient.

CHARMIDÈS. Peste ! où allez-vous donc si vite, Labrax ? Je ne puis vous suivre de ce train-là.

LABRAX. Plût aux dieux qu’avant de vous offrir à mes yeux vous eussiez crevé dans les tourments en Sicile, vous, l’auteur de tous mes maux !

CHARMIDÈS. Plût aux dieux, quand vous m’avez amené chez vous, que j’eusse couché en prison ce jour-là ! Et je prie les immortels de ne vous envoyer, tant que vous serez en vie, que des hôtes qui vous ressemblent.

LABRAX. En vous amenant chez moi, c’était la mauvaise fortune que j’y amenais. J’avais bien besoin de vous écouter, scélérat, et de quitter le pays ! et de monter sur ce vaisseau ! J’y ai perdu plus que je n’avais.

CHARMIDÈS. Ma foi, je ne m’étonne pas si votre vaisseau s’est brisé ; il portait un brigand et des richesses acquises par le brigandage.

LABRAX. Vous m’avez perdu avec vos belles paroles.

CHARMIDÈS. J’ai fait chez vous un repas plus abominable que ceux qu’on servit dans le temps jadis à Thyeste et à Térée.

LABRAX. Je me meurs, mon cœur se soulève ; tenez-moi la tête, je vous prie.

CHARMIDÈS. Puissiez-vous rendre tripes et boyaux !

  1. Les voyages d’Hercule n’avaient jamais-été entrepris librement, mais par les ordres d’Eurysthée.