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pour cela que je suis venu. D’abord Diphile a voulu que cette ville s’appelât Cyrène : Démonès habite là-bas dans une maison des champs, sur un domaine voisin de la mer ; ce vieillard qui, forcé de quitter Athènes, s’est établi ici, n’est pas un méchant homme. Aussi n’est-ce pas pour quelque mauvaise action qu’il est sorti de son pays ; mais, en voulant tirer autrui d’affaire, il s’est mis lui-même dans l’embarras. Par sa bonté il a perdu une fortune honorablement acquise. Sa petite fille lui a été enlevée en bas âge ; un coquin, un abominable marchand d’esclaves, l’a achetée au voleur et l’a amenée ici, à Cyrène. Un jeune Athénien, son compatriote, la vit un jour qu’elle revenait de l’école de musique, et se mit à l’aimer. Il va donc trouver le marchand, achète la jeune fille trente mines, donne des arrhes et fait prêter serment. Mais ce marchand, en homme de son métier, ne s’inquiète guère de sa parole, ni de ce qu’il a juré au jeune homme. Il avait pour hôte un Sicilien, qui fait la paire avec lui, un vieux coquin d’Agrigente, traître à sa patrie. Le drôle commence par louer les charmes de la jeune fille et des autres fillettes que possédait son camarade ; puis il lui persuade de s’en venir avec lui en Sicile. Là, dit-il, il ne manque pas d’hommes qui aiment le plaisir, il peut s’y enrichir, on gagne gros avec des courtisanes. Il le persuade : on frète secrètement un vaisseau. La nuit le marchand, en cachette, transporte à bord tout ce qu’il a ; il dit au jeune homme qui lui avait acheté la fillette qu’il veut s’acquitter d’un vœu fait à Vénus ; voilà le temple, et il a invité notre amoureux à venir y dîner : mais lui, sur ces entrefaites, il s’embarque et part avec sa cargaison féminine. On apprend au jeune homme ce qui s’est passé, la fuite du marchand. Il court au port, mais déjà leur vaisseau était loin en pleine mer. Quant à moi, voyant emmener la belle, je suis venu la secourir et en même temps perdre le prostitueur : j’ai fait gronder la tempête, j’ai soulevé les flots de la mer, car moi, l’Arcture, je suis la plus violente des constellations ; terrible à mon lever, quand je me couche je suis plus terrible encore. A l’heure qu’il est, le marchand et son hôte sont assis tous deux sur une roche où la vague les a jetés ; leur navire a été mis en pièces. La jeune fille et une autre, esclave comme elle, ont sauté toutes tremblantes du vaisseau dans le canot. Le flot les éloigne du rocher et les pousse vers la terre, du côté de la demeure du vieil expatrié, dont le vent a dévasté le toit et les tuiles. Voilà son esclave qui sort. Bientôt vous verrez arriver le jeune homme qui a fait marché pour la belle.