triste, la poitrine me brûle. Je ne peux avancer, le voilà qui secoue la tête. Eutyque !
EUTYQUE. Ah ! Charinus !
CHARINUS. Avant de reprendre haleine, un seul mot : où suis-je ? sur terre ou chez les morts ?
EUTYQUE. Ni chez les morts, ni sur terre.
CHARINUS. Je suis sauvé, je reçois l’immortalité. Il l’a achetée, il a fait la barbe à mon père. C’est le plus habile homme du monde. De grâce, parlez : si je ne suis ni sur la terre, ni dans l’Achéron, où suis-je donc ?
EUTYQUE. Nulle part.
CHARINUS. Je meurs ! ce discours m’assassine. Quelle insupportable chose que le bavardage, quand il faudrait en venir au fait ! Quoi que ce soit, arrivez au résultat.
EUTYQUE. D’abord, nous sommes perdus.
CHARINUS. Que ne m’annoncez-vous plutôt ce que j’ignore ?
EUTYQUE. Votre maîtresse vous est enlevée.
CHARINUS. Eutyque, c’est un crime digne de mort que vous commettez.
EUTYQUE. Comment cela ?
CHARINUS. Vous égorgez un ami, un camarade, un citoyen libre.
EUTYQUE. Aux dieux ne plaise !
CHARINUS. Vous m’avez plongé le couteau dans la gorge, je vais mourir.
EUTYQUE. Eh ! de grâce, ne perdez pas courage.
CHARINUS. On ne perd pas ce qu’on n’a plus. Mais achevez de me conter ce malheur. Qui l’a achetée ?
EUTYQUE. Je l’ignore. Elle était déjà vendue et emmenée quand je suis arrivé au port.
CHARINUS. Malheur ! vous lancez sur moi des montagnes ardentes. Continuez, bourreau, achevez-moi, puisque vous avez commencé.
EUTYQUE. Cela ne peut pas vous faire plus de peine que je n’en ai éprouvé moi-même aujourd’hui.
CHARINUS. Parlez ! qui l’a achetée ?
EUTYQUE. Par Hercule, je n’en sais rien.
CHARINUS. Hum ! est-ce là le dévouement d’un véritable ami ?
EUTYQUE. Que voulez-vous que je fasse ?
CHARINUS. Que vous périssiez, comme vous voyez que je fais moi-même. Ne deviez-vous pas vous informer de la figure de