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BALLION. C’est ce que je fais, si vous pouvez vous taire. «  Le militaire Polymachæroplacidès envoie cette lettre au prostitueur Ballion avec l’empreinte dont nous sommes convenus tous les deux dans le temps. »

SIMIA. Le signe est dans la lettre.

BALLION. Je le vois, je le reconnais : mais est-ce qu’il n’a pas même l’habitude de saluer par écrit dans ses lettres ?

SIMIA. C’est la mode militaire, Ballion : ils saluent de la main leurs amis, et de la même main ils châtient leurs ennemis. Mais vous avez commencé, continuez, et voyez un peu ce que cette lettre chante.

BALLION. Écoutez donc. « Celui qui vient vers vous est Harpax, mon valet. » C’est vous qui êtes Harpax ?

SIMIA. Oui, Harpax en personne.

BALLION. « J’entends que vous receviez l’argent des mains du porteur de la lettre et que vous fassiez partir la jeune femme avec lui. On doit quand on écrit saluer ceux qui le méritent : si je vous en croyais digne, je vous saluerais. »

SIMIA. Eh bien ?

BALLION. Donnez l’argent et emmenez la femme.

SIMIA. Lequel de nous deux est le lambin ?

BALLION. Suivez-moi donc à la maison.

SIMIA. Je vous suis.


SCÈNE III. — PSEUDOLUS.


De ma vie je n’ai vu un pire drôle, un plus rusé et plus roué coquin que ce Simia ; mais je tremble de peur qu’il ne soit avec moi aussi fourbe qu’avec l’autre, et que, maintenant que l’affaire est en bon chemin, il ne tourne ses cornes contre moi, s’il voit jour à me faire quelque malice. C’est que je n’y tiens guère, ma foi, car je lui veux du bien. Mais pour le moment, je n’en peux plus d’inquiétude, et pour trois raisons. D’abord je crains que mon compagnon ne déserte et ne passe à l’ennemi. Ensuite, je crains que mon maître ne vienne de la place et que les corsaires ne soient pris avec leur prise. Et avec toutes ces craintes, je crains encore que l’autre Harpax ne se présente avant que cet Harpax-ci soit sorti avec la belle. Je suis mort ! Ils tardent trop à paraître. Mon cœur attend, ses paquets sont faits, et s’il n’amène pas avec lui la jeune fille, il va s’exiler de ma poitrine… Ah ! je triomphe ; je suis venu à bout de mes malins surveillants.