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dans cette condition, où je suis entouré de toutes les misères, petites et grandes ; et je ne puis trouver un amoureux qui s’attache à moi et me mette en état d’être un peu plus propre. C’est aujourd’hui le jour de naissance du maître, et il nous a menacés tous, du plus grand au plus petit, de faire périr demain dans les plus affreuses tortures celui qui ne lui enverrait pas un présent. Ma foi, je ne sais que devenir. Je ne puis faire ce que font d’habitude ceux qui en ont les moyens. Et pourtant, si je ne donne aujourd’hui mon cadeau, il me faudra demain passer par les mains du foulon. Hélas ! je suis cependant bien petit encore ! et comme je le crains, comme je tremble devant lui ! Si quelqu’un me donnait de quoi me rendre la main moins légère, quoiqu’on dise que cela fasse jeter les hauts cris, il me semble que je viendrais à bout de serrer les dents. Mais silence ! Voici mon maître ; il revient au logis et ramène un cuisinier.


SCÈNE II. — BALLION, UN CUISINIER, L'ESCLAVE.


BALLION. On dit la place aux cuisiniers, c’est une sottise ; ce n’est pas la place aux cuisiniers, mais la place aux voleurs. Quand j’aurais fait serment de chercher un pire marmiton que celui que j’amène là, je n’aurais pu le trouver : bavard, vantard, bête, propre à rien : si Pluton ne l’a pas encore voulu recevoir, c’est pour qu’il y ait ici-bas un drôle qui cuisine pour les morts ; lui seul est capable de faire des ragoûts qui leur plaisent.

LE CUISINIER. Si vous me croyiez tel que vous dites, pourquoi me preniez-vous ?

BALLION. Faute d’autre ; il n’y en avait pas. Mais pourquoi faisais-tu le pied de grue sur la place, si tu dames le pion à tous les gâte-sauce ?

LE CUISINIER. Je vais vous le dire ; c’est à cause de l’avarice des gens que je suis moins couru, ce n’est pas à cause de mon talent.

BALLION. Comment cela ?

LE CUISINIER. Écoutez : quand on vient chercher un cuisinier, personne ne demande le meilleur et le plus cher : on choisit plutôt celui qui coûte le moins. C’est pour cela qu’aujourd’hui ! j’étais tout seul à attendre sur la place. Les autres vont en ville pour une drachme ; mais moi, on ne peut me faire lever à moins du double. Je ne dresse pas un dîner comme ces marmitons, qui vous apportent sur les plats un pré accommodé, prennent