Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Çà, faisons taire notre langue. Je vois venir par ici mon maître Simon avec Calliphon son voisin. Je tirerai aujourd’hui même vingt mines de ce vieux sépulcre pour en faire cadeau à son fils. Mais passons de ce côté afin d’entendre ce qu’ils disent.


SCÈNE V. — SIMON, CALLIPHON, PSEUDOLUS.


SIMON. Si l’on créait aujourd’hui dans Athènes un dictateur des dépensiers et des libertins, personne, je crois, ne damerait le pion à mon fils. Dans toute la ville on raconte qu’il veut affranchir sa maîtresse, et qu’il cherche de l’argent pour cela : plusieurs personnes m’en ont averti, mais depuis longtemps je m’en étais douté, je l’avais senti.

PSEUDOLUS, à part. Adieu paniers ; voilà mes plans à l’eau. Je voulais aller me ravitailler d’argent, mais les abords de la place sont fermés. Il est sur ses gardes ; plus de butin pour les maraudeurs.

CALLIPHON. Ces gens qui colportent et qui écoutent les médisances, si j’étais le maître, on les pendrait tous, les colporteurs par la langue, et les écouteurs par les oreilles. Tous ces rapports qu’on vous fait, que votre fils est amoureux et veut vous soutirer de l’argent, sont peut-être autant de mensonges. Si c’est la vérité, avec les mœurs d’à présent, est-ce donc une chose si étrange, si extraordinaire, qu’un jeune homme soit amoureux et qu’il veuille affranchir sa maîtresse ?

PSEUDOLUS, à part. L’aimable vieillard !

SIMON. Je ne veux pas qu’il fasse ce que j’ai fait dans le temps.

CALLIPHON. C’est comme si vous chantiez. Il ne fallait pas alors en faire autant dans votre jeunesse. Il n’y a qu’un père irréprochable qui puisse exiger que son fils soit encore plus irréprochable que lui. Avec vos dépenses, vos prodigalités, il y aurait eu de quoi faire largesses à tout le peuple. Et vous êtes surpris si votre fils tient de son père !

PSEUDOLUS. O Jupiter, que les hommes raisonnables sont rares ! A la bonne heure, voilà ce qu’on peut appeler un père !

SIMON. Qui parle là ? Eh, c’est mon esclave Pseudolus. C’est lui, le coquin, qui perd mon fils. C’est lui qui sert de guide, de précepteur : j’ai bonne envie de le faire mettre à la torture.

CALLIPHON, bas. Vous n’êtes pas adroit de laisser éclater votre colère. Ne valait-il pas mieux vous y prendre doucement et savoir de lui si ce qu’on vous rapporte est vrai, ou non ? Une