vois, est plus forte chez vous que l’amour, tout le monde est-il votre père ? n’avez-vous personne à qui demander un prêt ?
CALIDORE. Ah ! Crédit est mort.
PSEUDOLUS. Hé ma foi, ces braves gens qui plantent là leur comptoir[1]… qui réclament ce qu’on leur doit et ne rendent) jamais ce qu’ils doivent, ils sont bien trop madrés pour prêter à qui que ce soit.
CALIDORE. Je suis bien à plaindre, je ne puis trouver une obole : ainsi je meurs misérablement et d’amour et de détresse.
BALLION. Ah ! par Hercule, achetez de l’huile à crédit et vendez-la au comptant. Vous pouvez, ma foi, vous faire ainsi quelque chose comme deux cents mines.
CALIDORE. O malheur ! la loi des vingt-cinq ans[2]) ne vient-elle pas me couper la gorge ? Tout le monde a peur de me faire crédit.
BALLION. La loi est la même pour moi, j’ai peur de faire crédit.
PSEUDOLUS. De faire crédit ? Ah çà, es-tu mécontent de ce que tu as gagné avec lui ?
BALLION. Le véritable amoureux est celui qui donne sans cesse, qui donne toujours : s’il n’a plus rien, qu’il cesse d’aimer.
CALIDORE. Tu n’as donc pas pitié de moi ?
BALLION. Vous êtes trop creux ; vos paroles ne sonnent pas. Mais je vous souhaite vie et contentement.
PSEUDOLUS. Eh mais, il est donc mort ?
BALLION. Qu’il soit ce qu’il voudra ; mais pour moi, avec tout ce qu’il me chante, il est mort. (A Calidore.) L’amoureux a vécu, dès qu’il ne sait pas plaire à l’entremetteur. Venez toujours chez moi avec des larmes d’argent ; quant à vos lamentations maintenant sur ce que vous n’avez pas une obole, c’est comme si vous vous plaigniez à une marâtre.
PSEUDOLUS. Son père t’aurait-il jamais pris pour femme ?
BALLION. Les dieux m’en préservent !
PSEUDOLUS. Fais ce dont nous te prions, Ballion, sur ma caution, si tu crains de lui faire crédit, à lui ; dans trois jours, soit sur terre soit sur mer, je t’aurai trouvé cet argent.
BALLION. Que je te fasse crédit, à toi ?