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bourgeois changent mon nom, et au lieu de Ballion m’appellent le roi Jason.

CALIDORE. L’entends-tu, le pendard ? Fait-il assez le fier ?

PSEUDOLUS. Oui, ma foi, et le fier drôle encore ; mais silence, écoutez.

BALLION. Toi, Eschrodore, tu as pour amants nos émules, les bouchers[1], qui s’enrichissent comme nous à force de parjures. Attention : si je n’ai pas aujourd’hui trois énormes crocs, garnis, chargés de viandes, demain, comme on dit que dans le temps les fils de Jupiter attachèrent Dircé à un taureau, je te lierai au croc : ce sera ton taureau, à toi.

PSEUDOLUS. Les propos du coquin me font bouillir le sang. Et dire que nos jeunes Athéniens souffrent dans la ville un être pareil ! Où sont-ils, où se cachent-ils, les vigoureux gaillards qui viennent faire l’amour dans ces coupe-gorge ? Ne peuvent-ils se rassembler tous et délivrer le peuple de ce fléau ? Mais suis-je bête, suis-je sot ! qu’ils aient ce courage ! L’amour les force de courtiser ces misérables et les empêche de se montrer contre eux comme ils voudraient.

CALIDORE. Ah ! tais-toi.

PSEUDOLUS. Qu’est-ce donc ?

CALIDORE. Ton caquet m’ennuie et couvre sa voix.

PSEUDOLUS. Je me tais.

CALIDORE. Il vaut mieux te taire que de dire : Je me tais.

BALLION. Toi, Xystilis, attention : tes amoureux ont chez eux je ne sais combien de tonnes d’huile. Si on ne m’en apporte de pleines outres, je te ferai conduire demain dans certain cabinet. Là on te donnera une couchette où tu ne fermeras pas l’œil, mais où jusqu’à extinction… Tu entends ce que parler veut dire ? Comment, vipère, quand tu as tant d’amants si bien approvisionnés d’huile, aucun de tes camarades n’a aujourd’hui, grâce à toi, la tête plus luisante ? et moi-même, mes ragoûts n’en sont pas plus gras ? Mais je le sais bien, tu te moques de l’huile, c’est le vin qui te charme. Attends seulement, je mettrai ordre à tout cela à la fois, coquine, si tu ne fais aujourd’hui ce que je dis… Quant à toi, qui es toujours à la veille de me compter le prix de ta liberté, tu es bonne prometteuse, mais mauvaise payeuse. C’est à toi que je parle, Phénicie, toi le charme de nos mirliflors ; mais s’il ne me vient aujourd’hui des domaines de tes amants provisions de toute espèce, demain, ma

  1. Jeu de mots sur leno et lanius.