SYNCÉRASTE. Je le sais.
MILPHION. C’est l’amour qui en est cause.
SYNCÉRASTE. Tu perds ta peine.
MILPHION, Comment cela ?
SYNCÉRASTE. Tu m’apprends ce que je sais.
MILPHION. Alors peux-tu douter que mon maître ne saisisse avec plaisir l’occasion de faire du mal au tien ? et ce serait justice. Si tu lui donnes un coup demain, ce lui sera d’autant plus facile.
SYNCÉRASTE. Pourtant je craindrais une chose, Milphion.
MILPHION. Et que crains-tu ?
SYNCÉRASTE. Que tu ne me perdes toi-même tandis que je dresserai un piége à mon maître : s’il apprend que j’ai causé à qui que ce soit, le pauvre Syncéraste sera bientôt rompu sur la croix.
MILPHION. Oh ! par Pollux, âme qui vive ne saura rien de moi ; je ne parlerai qu’à mon maître, et encore à condition qu’il ne dise pas que c’est toi qui as monté, le coup.
SYNCÉRASTE. J’ai tort, et pourtant je parlerai. Garde-moi bien le secret au moins.
MILPHION. La bonne foi n’est pas plus discrète. Parle en toute liberté, le temps et le moment sont favorables ; nous sommes seuls ici.
SYNCÉRASTE. Si ton maître veut bien mener l’affaire, il perdra le mien.
MILPHION. Comment cela se peut-il ?
SYNCÉRASTE. C’est facile.
MILPHION. Alors indique-moi ce moyen facile, que je puisse l’en instruire.
SYNCÉRASTE. Adelphasie, que ton maître aime si ardemment, est de condition libre.
MILPHION. Comment ?
SYNCÉRASTE. Et aussi l’autre sœur, Antérastile.
MILPHION. Puis-je te croire ?
SYNCÉRASTE. Il les a achetées toutes petites dans Anactorium[1], à un pirate de Sicile.
MILPHION. Combien ?
SYNCÉRASTE. Dix-huit mines.
MILPHION. Les deux ?
SYNCÉRASTE. Et la nourrice faisait trois. Le vendeur le pré-
- ↑ Aujourd’hui Vanizza, en Épire.