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des esclaves qui ont coûté à leurs maîtres les yeux de la tête, viennent manger chez nous leur pécule. Et au bout du compte il n’en reste rien. Bien mal acquis no profite pas.

MILPHION. Il parle là comme si c’était un honnête garçon, lui qui saurait en remontrer au vice même.

SYNCÉRASTE. Je rapporte ces vases du temple : avec toutes ses victimes, mon maître n’a pas pu, le jour de la fête de Vénus, se mettre dans ses bonnes grâces.

MILPHION. Aimable Vénus !

SYNCÉRASTE. Et nos courtisanes, dès la première offrande, ont gagné la déesse.

MILPHION. Deux fois aimable Vénus !

SYNCÉRASTE. Mais rentrons au logis.

MILPHION. Hé, Syncéraste !

SYNCÉRASTE, sans se retourner. Qui appelle Syncéraste ?

MILPHION. Un ami.

SYNCÉRASTE. Ce n’est déjà pas si amical d’arrêter un homme qui a sa charge.

MILPHION. Mais en récompense je me mettrai à ta disposition quand tu voudras, à première réquisition ; prends que c’est convenu.

SYNCÉRASTE. S’il en est ainsi, je suis à tes ordres.

MILPHION. Comment ?

SYNCÉRASTE. Quand j’aurai des coups à recevoir, tu me prêteras ta peau.

MILPHION. Grand merci.

SYNCÉRASTE. Je ne sais qui tu es.

MILPHION. Un malin.

SYNCÉRASTE. Sois-le pour toi.

MILPHION. J’ai un mot à te dire.

SYNCÉRASTE. Mon fardeau me pèse.

MILPHION. Pose-le, et regarde-moi.

SYNCÉRASTE. Soit, quoique je n’aie guère de temps. (Il se retourne.)

MILPHION. Salut, Syncéraste.

SYNCÉRASTE. O Milphion, que les dieux et déesses protégent…

MILPHION. Qui cela ?

SYNCÉRASTE. Ni toi, ni moi, Milphion, ni mon maître non plus.

MILPHION. Qui donc faut-il qu’ils protégent ?

SYNCÉRASTE. N’importe qui, car nul de nous autres ne le mérite.

MILPHION. Voilà un mot plein d’esprit.