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ACTE IV.


SCÈNE I. — MILPHION.


J’attends pour savoir quel sera le résultat de mes ruses. Je biûle de perdre ce drôle, qui fait tant souffrir mon pauvre maître ; lui de son côté, il me bat comme plâtre, à coups de pieds, à coups de poings. Quelle misère d’être au service d’un amoureux, surtout quand il ne jouit pas de ce qu’il aime ! Eh mais voici Syncéraste, l’esclave de ce coquin de marchand, qui revient du temple : écoutons un peu ce qu’il chante.


SCÈNE II. — SYNCÉRASTE, MILPHION.


SYNCÉRASTE, sans voir Milphion. Ah ! c’est chose bien certaine, ni les dieux ni les hommes ne se soucient du malheureux qui sert un maître dans le genre du mien. On irait aux quatre coins de la terre sans trouver un être plus menteur et plus coquin ; pas de bourbier si sale ni si infect. Que les dieux me protégent, aussi vrai que j’aimerais mieux passer ma vie au fond d’une carrière, ou dans un moulin, avec une forte chaîne autour des flancs, que d’être le serviteur d’un homme qui fait un pareil métier. Quelle race ! quels appâts corrupteurs offerts dans cette maison ! Sur ma foi, on y voit toute espèce de monde, on se croirait aux bords de l’Achéron : voulez-vous un cavalier, un fantassin, un affranchi, un voleur, un esclave fugitif, un drôle fouetté par le bourreau, un échappé de prison, un condamné ? quiconque a de quoi payer est reçu, pourvu qu’il ait face humaine, et qu’il soit d’ailleurs ce qu’il voudra. Aussi dans toute la maison ce ne sont que ténèbres, que recoins ; on boit, on mange, absolument comme dans un cabaret. Vous y voyez des missives sous forme de bouteilles, cachetées de poix, avec des lettres longues d’une coudée : car chez nous c’est un bureau d’enrôlement de marchands de vin.

MILPHION. Je suis bien étonné, ma foi, si son maître ne l’a fait son héritier, car il a tout l’air de lui préparer une jolie oraison funèbre. J’ai envie de l’aborder, et en même temps, je suis tout réjoui de l’entendre.

SYNCÉRASTE. Quand je vois ce qui se passe, cela m’exaspère :