barbouiller ; enfin nous avons mis sur les dents les deux hommes qui nous apportaient de l’eau. Ah ! que d’embarras pour une femme ! mais quand il y en a deux, c’est assez, je crois, pour donner et au delà de l’occupation à tout un peuple. Jour et nuit, à tout âge, toujours, elles s’attifent, se baignent, s’essuient, se polissent. Bref, les femmes ne connaissent point de mesure ; quand nous sommes entrain de nous arroser et de nous frotter, nous ne savons pas nous arrêter. Si propre qu’on soit, si l’on n’est pas tirée à quatre épingles, on a l’air sale, c’est du moins ce que je trouve.
ANTÉRASTILE. Je suis bien étonnée, ma sœur, de t’entendre parler ainsi, toi qui es futée et si âne mouche. Car nous avons beau nous tenir toujours sous les armes, nous avons assez de peine à trouver un pauvre amoureux.
ADELPHASIE. C’est vrai ; mais pourtant songe à ceci : la modération, ma sœur, est en tout une chose excellente. Tout excès amène une série d’ennuis.
ANTÉRASTILE. À ton tour, ma sœur, songe qu’on nous regarde comme le poisson salé qu’on trouve sans goût et sans saveur, s’il n’a pas été longtemps trempé à grande eau ; cela sent mauvais, c’est acre, on n’y veut pas toucher. Pour nous c’est la même chose ; les femmes de cette espèce sont désagréables et repoussantes, faute de propreté et de toilette.
MILPHION, à Agorastoclès. Agorastoclès, elle est cuisinière, je suppose ; elle sait la recette pour dessaler le poisson.
AGORASTOCLÈS. Tu m’ennuies.
ADELPHASIE. Ma sœur, tais-toi, de grâce ; c’est bien assez que d’autres nous le disent, ne nous mettons pas à proclamer nos défauts.
ANTÉRASTILE. Je ne souffle mot.
ADELPHASIE. Merci : mais à présent réponds-moi. Avons-nous là tout ce qu’il faut pour plaire aux dieux ?
ANTÉRASTILE. J’ai veillé à tout.
AGORASTOCLÈS, à part. O le beau jour, jour charmant et solennel ! Il est bien digne de Vénus, dont c’est la fête aujourd’hui !
MILPHION. Ne me remercierez-vous pas, pour vous avoir appelé ? Ne recevrai-je pas un quartaut de vin vieux ? faites-le-moi donner. Pas de réponse ? Il a perdu sa langue, je crois. Çà, que faites-vous là immobile et pétrifié ?
AGORASTOCLÈS. Laisse-moi aimer ; ne me trouble pas, tais-toi.
MILPHION. Je me tais.