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ront ainsi une double mésaventure, ici une volée de verges, à la maison une tournée d’étrivières, s’ils n’ont pas mis ordre à tout quand le maître reviendra. Que les nourrices soignent les petits enfants au logis et ne les apportent pas au spectacle ; alors elles n’auront pas soif, les marmots ne périront pas de faim et ne brailleront pas d’inanition, comme des chevreaux. Que les dames regardent en silence, rient en silence, qu’elles ne fassent pas retentir la salle du timbre éclatant de leur voix. Qu’elles remettent à babiller ensemble chez elles pour ne pas ennuyer leurs maris et au théâtre et à la maison. Pour ce qui regarde les directeurs des jeux, qu’ils n’accordent injustement la palme à aucun artiste ; que l’intrigue ne fasse mettre personne à la porte pour donner aux mauvais le pas sur les bons… Ah ! j’allais oublier : pendant le spectacle, vous. les valets de pied, faites invasion au cabaret, c’est le moment, les gâteaux fument, courez. Ces ordonnances prononcées de par l’autorité de la troupe, grand bien je vous souhaite, souvenez-vous-en tous.

Et maintenant, je reviens au sujet de la pièce, je veux que vous soyez aussi savants que moi. Je vais vous en tracer les divisions, les limites, les tenants et aboutissants ; car c’est moi qui ai été choisi pour arpenteur en cette occasion. Si cela ne vous ennuie pas, je veux vous dire le nom de la comédie ; si cela ne vous va pas… je le dirai tout de même, pourvu que l’autorité le permette. Cette pièce s’appelle en grec le Carthaginois ; Plaute l’appelle en latin : l’Oncle pultiphagonide[1]. Vous savez le nom maintenant ; je vais vous rendre compte du reste, et la déclaration du sujet se fera ici même. En effet, le sujet d’une comédie doit se déclarer sur le devant de la scène ; vous, vous enregistrez. Ainsi donc, attention.

Il y avait à Carthage deux cousins germains, de grande famille et puissamment riches : l’un est encore vivant, l’autre est mort. Je vous le dis en homme sûr de son fait, parce que je le tiens de l’embaumeur qui l’a embaumé. Mais le vieillard aujourd’hui défunt avait un fils unique, qui lui fut enlevé dans sa septième année, à Carthage ; c’était six ans avant la mort du père. Voyant son enfant perdu pour lui, il tombe malade de chagrin, choisit pour héritier son cousin, puis descend sans bagage au bord de l’Achéron. Le ravisseur amène le petit garçon à Calydon ; là, il le vend à un riche vieillard qui désirait

  1. Mangeur de bouillie.