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CHARINUS. Il l’a réellement vue ?

ACANTHION. Aussi réellement que je vous vois et que vous me voyez.

CHARINUS. Où cela ?

ACANTHION. Dans le vaisseau, où il est allé la trouver et s’entretenir avec elle.

CHARINUS. O mon père, vous m’avez perdu ! Mais toi, toi, coquin, comment n’as-tu pas pris des précautions pour qu’il ne la vit pas ? Ne pouvais-tu la cacher, pendard, la soustraire aux yeux d’un père ?

ACANTHION. Nous étions tout entiers à notre besogne, occupés à plier et ranger les agrès. Pendant ce temps, votre père arrive sur une toute petite barque, et personne ne l’a vu que quand il était déjà sur le vaisseau.

CHARINUS. C’est en vain que j’ai échappé aux horribles tempêtes de la mer. En vérité, je me croyais au port et en sûreté ; mais je,vois que les flots en colère me remportent sur les écueils. Que s’est-il passé ensuite ? achève.

ACANTHION. Dès qu’il aperçoit la jeune fille, il lui demande à qui elle est.

CHARINUS. Qu’a-t-elle répondu ?

ACANTHION. Vite je me jette à la traverse, je prends la parole, je dis que c’est une servante que vous avez achetée à votre mère.

CHARINUS. A-t-il eu l’air de le croire ?

ACANTHION. Vous le demandez ? Mais le vieux drôle se mit à patiner.

CHARINUS. La patiner, elle !

ACANTHION. Vous voulez peut-être qu’il se soit adressé à moi !

CHARINUS. Oh ! par Pollux, mon pauvre cœur se fond goutte à goutte, comme du sel qu’on mettrait dans de l’eau ! Je suis perdu.

ACANTHION. Voilà la, parole la plus vraie que vous puissiez dire.

CHARINUS réfléchit un moment. Quelle sottise !… Que faire ? Mon père ne me croira pas si je dis que je l’ai achetée pour ma mère ; et puis, je trouve mal de mentir à un père. Il ne croira pas, et il n’est pas croyable non plus, que j’aie acheté une si jolie femme pour être la servante de ma mère.

ACANTHION. Taisez-vous, grand fou ! par Hercule, il vous croira, il me croyait déjà.