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CHARINUS, à part. Qu’a-t-il donc pour tant vouloir courir à son aise ? J’ai bien peur de quelque accident, de quelque nouvelle fâcheuse.

ACANTHION. Mais je perds mon temps, et plus je lanterne, plus le péril croît.

CHARINUS. Cela n’annonce rien de bon.

ACANTHION. Le coureur n’a plus de jambes. C’est fait de moi, ma rate se révolte et me remonte dans l’estomac. Je suis tout poussif ; par Hercule, c’est à peine si je respire. Ah ! je ne puis souffler comme je veux ; je ferais un triste joueur de flûte !

CHARINUS, à part. Prends le bord de ton manteau pour éponger ta sueur.

ACANTHION. En vérité, tous les bains du monde ne sauraient me délasser. Mais mon maître Charinus est-il à la maison, ou dehors ?

CHARINUS. Je ne devine pas de quoi il est question : il faut que je lui demande ce que c’est.

ACANTHION. Et je reste planté là ! je ne mets pas cette porte en pièces ! Holà, qu’on ouvre ! où est Charinus, mon maître ? chez lui, ou dehors ? Quelqu’un daignera-t-il venir à la porte ?

CHARINUS. Acanthion, voici celui que tu cherches.

ACANTHION, sans voir Charinus. On n’a jamais vu un service si mal fait.

CHARINUS. Quel fâcheux accident t’agite ainsi ?

ACANTHION. Un terrible pour vous et pour moi, mon maître.

CHARINUS. Qu’est-ce donc ?

ACANTHION. Nous sommes perdus.

CHARINUS. Réserve ce beau début pour nos ennemis.

ACANTHION. C’est précisément à vous qu’il s’applique.

CHARINUS. Parle, de quoi s’agit-il ?

ACANTHION. Un moment ; il faut que je me repose. Je me suis rompu un vaisseau pour vous, je ne fais que cracher le sang.

CHARINUS. Prends de la résine d’Égypte avec du miel, et cela se passera.

ACANTHION. Et vous, par Pollux, buvez de la poix bouillante, le chagrin s’en ira.

CHARINUS. Je n’ai vu de ma vie une tête chaude comme la tienne.

ACANTHION. Ni moi une langue plus incommode que la vôtre.

CHARINUS. Je te conseille ce qui peut te faire du bon.

ACANTHION. Une belle santé que celle qu’on achète par des tortures !