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ACROTÉLEUTIE. Je crains que mes charmes ne répondent pas à l’éloge que tu en as fait.

MILPHIDIPPE. J’ai eu soin de vous faire plus belle encore qu’il ne s’y attend.

ACROTÉLEUTIE. S’il refuse de m’épouser, j’embrasserai ses genoux, je le conjurerai de toutes les manières. Si je ne parviens à le fléchir, je me donnerai la mort ; je sens que je ne peux vivre sans lui.

PYRGOPOLINICE. Il faut l’empêcher de mourir. L’aborderai-je ?

PALESTRION. Non, ce serait vous ravaler que de vous jeter à sa tête. Laissez-la venir, prier, désirer, attendre. Voulez-vous vous dépouiller de toute votre gloire ? gardez-vous-en bien. Il n’y a que deux mortels, Phaon de Lesbos et vous, qui aient eu la chance d’être aimés si éperdument.

ACROTÉLEUTIE. J’entre… mais non, va, ma chère Milphidippe, et prie-le de venir.

MILPHIDIPPE. Attendons plutôt qu’il sorte quelqu’un.

ACROTÉLEUTIE. Je ne puis me retenir d’entrer.

MILPHIDIPPE. La porte est fermée.

ACROTÉLEUTIE. Je l’enfoncerai.

MILPHIDIPPE. Vous perdez le sens.

ACROTÉLEUTIE. S’il a jamais aimé, ou si son esprit répond à sa beauté, il me pardonnera d’un cœur clément ce que j’aurai fait par amour.

PALESTRION. Voyez un peu de quelle ardeur la malheureuse est consumée !

PYRGOPOLINICE. Je la paye de retour.

PALESTRION. Chut ! qu’elle ne vous entende pas.

MILPHIDIPPE. Pourquoi restez-vous là comme pétrifiée ? Que ne frappez-vous ?

ACROTÉLEUTIE. Il n’est pas là, celui que je veux voir.

PALESTRION. Comment le savez-vous ?

ACROTÉLEUTIE. Je le sais, par Pollux, je le sais. S’il y était, mon nez m’en avertirait.

PYRGOPOLINICE. C’est une devineresse. Vénus lui a accordé le don de divination en faveur de son amour pour moi.

ACROTÉLEUTIE. Il est près d’ici, je ne sais où, celui que je brûle de voir. Je le sens.

PYRGOPOLINICE. Sur ma foi, voici une femme qui voit plus clair avec le nez qu’avec les yeux.

PALESTRION. C’est l’amour qui l’aveugle.

ACROTÉLEUTIE. Soutiens-moi, de grâce.