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ginaire, et il croit que j’endurerai patiemment un tel affront ! Il est bien loin de compte, je ne prendrai pas si doucement ses infâmes calomnies ; je le quitterai, ou bien il me fera réparation, et de plus il jurera qu’il se repent des outrages dont il m’a chargée si mal à propos.

JUPITER, à part. Il faut en passer par ce qu’elle exige, si je veux qu’elle accueille encore ma tendresse. Puisque ce que j’ai fait a mal tourné pour l’innocent Amphitryon et que mon amour lui a causé tant d’ennuis, il est juste qu’à mon tour, bien que je n’y sois pour rien, je porte la peine de sa colère et de ses injures contre Alcmène.

ALCMÈNE. Mais je l’aperçois, celui qui accuse d’adultère et de déshonneur sa malheureuse femme.

JUPITER. Un mot, chère Alcmène… Mais pourquoi te détourner ?

ALCMÈNE. Je suis ainsi faite ; de ma vie je n’ai pu regarder mes ennemis en face.

JUPITER. Tes ennemis ?

ALCMÈNE. Oui, mes ennemis, à moins que vous ne m’accusiez encore de mensonge.

JUPITER. Tu es donc bien farouche ? (Il veut l'embrasser.)

ALCMÈNE. Otez vos mains, je vous prie. Si vous étiez dans votre bon sens, si vous aviez votre raison, vous n’adresseriez aucune parole, ni sérieuse ni badine, à une femme que vous croyez, que vous proclamez infidèle. Il faut que vous soyez le plus fou de tous les hommes.

JUPITER. Si je l’ai dit, tu n’es pas pour cela infidèle, je n’en crois rien, et je suis revenu pour me justifier à tes yeux. Rien ne m’a jamais fait plus de peine que de te savoir fâchée contre moi. Tu me demanderas pourquoi je t’ai traitée de la sorte ? eh bien, je vais te l’expliquer. Sur mon âme, ce n’était pas que je te crusse infidèle ; j’ai voulu t’éprouver, voir ce que tu ferais, comment tu accepterais la chose. Ce n’était qu’un jeu, une plaisanterie : demande plutôt à Sosie.

ALCMÈNE. Pourquoi n’amenez-vous pas mon parent Naucrate ? il devait, disiez-vous, porter témoignage que vous n’étiez point venu ici.

JUPITER. Faut-il donc prendre au sérieux ce qu’on a pu dire par badinage ?

ALCMÈNE. Je sais bien ce que mon cœur en a souffert.

JUPITER. Par cette main que j’embrasse, Alcmène, je t’en prie, je t’en conjure, accorde-moi ma grâce, pardonne-moi, ne sois plus en colère.