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frayeur ; c’est mon Ulysse, le fléau de son roi. Ah! si je conserve ma vie, je lui arracherai la sienne ; que dis-je, imbécile ? la sienne ? elle est bien à moi, il a été assez nourri à ma table, à mes frais. Je lui trancherai l’existence. Quant à cette coquine, elle a fait comme ses pareilles. Je lui demande la mante pour la rapporter à ma femme, elle prétend me l’avoir rendue. En vérité, je suis le plus misérable des hommes.

LE VIEILLARD. Entendez-vous ce qu’il dit ?

LE MÉDECIN. Il se plaint de son malheur.

LE VIEILLARD. Parlez-lui.

LE MÉDECIN. Bonjour, Ménechme. Pourquoi vous découvrez-vous le bras ? Vous ne savez pas combien cela est mauvais pour votre maladie.

MÉNECHME. Allez vous pendre.

LE VIEILLARD, au médecin. Voyez-vous ?

LE MÉDECIN. Le moyen de ne pas voir ? On n’en viendra pas à bout avec un arpent d’ellébore. Ça, Ménechme…

MÉNECHME. Que voulez-vous ?

LE MÉDECIN. Répondez à ma question. Buvez-vous du vin blanc ou du vin rouge ?

MÉNECHME. La peste soit de vous !

LE VIEILLARD. Par ma foi, le voilà qui commence à délirer.

MÉNECHME. Pourquoi ne me demandez-vous pas si d’habitude je mange du pain rouge, ou ponceau, ou jaune ? si je mange des oiseaux à écailles, des poissons à plumes ?

LE VIEILLARD. Juste ciel ! entendez-vous les extravagances ? Donnez-lui vite une potion avant que l’accès ne soit complet.

LE MÉDECIN. Un moment ; je veux l’interroger encore.

LE VIEILLARD. Ah ! ce bavardage m’assomme.

LE MÉDECIN, à Ménechme. Dites-moi, vos yeux deviennent-ils durs habituellement ?

MÉNECHME. Imbécile, me prenez-vous pour une sauterelle ?

LE MÉDECIN. Dites-moi, entendez-vous quelquefois crier vos boyaux ?

MÉNECHME. Quand j’ai mon soûl, ils se taisent ; quand j’ai faim, ils crient.

LE MÉDECIN. Voilà ma foi une réponse qui n’est pas d’un fou. Dormez-vous d’un trait jusqu’au jour ? une fois couché, vous endormez-vous facilement ?

MÉNECHME. Je dors comme un sabot, quand j’ai payé mes dettes. Que Jupiter et tous les dieux vous confondent avec vos questions !