SOSIE. Mais, encore une fois, je te le répète, je suis un des serviteurs de la maison.
MERCURE. À d’autres ! détale, ou les coups vont pleuvoir.
SOSIE. Quoi ! j’arrive, et tu veux m’empêcher d’entrer chez nous ?
MERCURE. Chez vous, ici !
SOSIE. Oui, chez nous.
MERCURE. Çà, qui est ton maître ?
SOSIE. Amphitryon, maintenant général des Thébaine, le mari d’Alcmène.
MERCURE. Que dis-tu ? et ton nom, à toi ?
SOSIE. Les Thébains me nomment Sosie, fils de Dave.
MERCURE. Tu es venu ici pour ton malheur, effronté coquin, avec tes mensonges impudents et tes ruses mal cousues.
SOSIE. Point : je suis venu avec des habits cousus, c’est vrai, mais pas avec des ruses cousues.
MERCURE. Autre mensonge : tu es venu avec tes pieds, et non avec tes habits.
SOSIE. Assurément.
MERCURE. Assurément tu seras rossé, pour t'apprendre à mentir de la sorte.
SOSIE. Assurément je n’en ai pas envie.
MERCURE. Assurément tu le seras, malgré ton peu d’envie ; on ne te laissera pas le choix, assurément. (Il le bat.)
SOSIE. Ah ! de grâce !
MERCURE. Oses-tu dire encore que tu es Sosie, quand c’est moi qui le suis ?
SOSIE. Aïe ! je n’en puis plus.
MERCURE. Bagatelle, auprès de ce qu’on te réserve ! À qui es-tu, maintenant ?
SOSIE. À toi ; tes poings t’ont fait mon maître. Au secours, Thébains ! Citoyens, justice !
MERCURE. Ah ! tu cries, bourreau ? Voyons, pourquoi viens-tu ?
SOSIE. Pour que tu aies sur qui dauber.
MERCURE. À qui es-tu ?
SOSIE. À Amphitryon, te dis-je, moi, Sosie.
MERCURE. Cent autres coups vont payer ton effronterie : c’est moi qui suis Sosie, et non pas toi.
SOSIE, à part. Plût aux dieux ! et comme je tomberais sur ton dos !
MERCURE. On murmure, je crois ?
SOSIE. Je me tais.