Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

GYMNASIE. Relève au moins ton mantelet.

SILÉNIE. Laisse-le traîner ; je me traîne moi-même.

GYMNASIE. Eh bien donc, puisque c’est ton idée, adieu et porte-toi bien.

SILÉNIE. Je le voudrais, si c’était possible. (Elle sort.)

GYMNASIE. Si tu n’as rien à me dire, ma mère, je vais entrer chez elle. Par ma foi, elle me semble bien amoureuse.

LA COURTISANE. C’est pour cela que je ne cesse de te répéter mon refrain : ne t’avise pas d’aimer. Va.

GYMNASIE. C’est tout ?

LA COURTISANE. Porte-toi bien.

GYMNASIE. Et toi aussi. (Elle entre.)


SCÈNE II. — LA COURTISANE.

J’ai le même défaut que la plupart des femmes qui font mon métier : sitôt que nous sommes lestées, nous devenons bavardes à l’excès, et nous faisons aller notre langue beaucoup plus qu’il ne faut. Cette jeune fille, qui vient de s’en aller en pleurant, je l’ai ramassée toute petite dans une ruelle où on venait de l’exposer. Nous avons ici un jeune homme de la plus haute naissance… Ma foi, j’en ai pris ma charge, je me suis remplie de la fleur de Bacchus ; c’est ce qui fait que l’envie me prend de parler plus librement, et je ne peux, hélas ! me taire de ce qu’il ne faudrait pas dire… Ce jeune homme, dont le père est un des premiers citoyens de Sicyone, est passionnément épris de cette petite pleurnicheuse qui vient de sortir ; elle, de son côté, l’aime à la folie. Je l’ai donnée autrefois à une courtisane de mes amies, qui demeure là, et qui bien souvent m’avait priée de lui trouver un tout petit enfant, garçon ou fille, dont elle pût se dire la mère. L’occasion s’offre, je fais ce qu’elle m’avait demandé. Elle reçoit la petite fille de mes mains, et aussitôt la voilà qui accouche de cette même petite que je venais de lui remettre, sans sage-femme, sans douleurs, comme bien d’autres qui se mettent ainsi dans de mauvais draps. Son amant, disait-elle, était un étranger, et c’est pour cela qu’elle feignait un accouchement. Il n’y a que nous deux qui sachions l’histoire, moi qui lui ai donné l’enfant, elle qui l’a reçu, nous deux… sans vous compter. Voilà comme les choses se sont passées ; au besoin, tâchez de vous en souvenir ; moi, je m’en vais chez moi.