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bouge ? où t’es-tu enivré ? Eh ! tenez, ma foi, voyez comme son manteau est chiffonné !

STALINON. Que les dieux me maudissent, et toi aussi, s’il m’est entré aujourd’hui une goutte de vin dans la bouche.

CLÉOSTRATE. Au reste, à ton aise, bois, mange, dissipe ton bien.

STALINON. Tout beau, ma femme, en voilà assez ; arrête-toi, tu m’abasourdis. Garde quelque chose pour me faire querelle demain. Mais dis-moi, as-tu enfin surmonté ta répugnance à faire ce qui plaît, à ton mari, plutôt que de le contredire sans cesse ?

CLÉOSTRATE. De quoi s’agit-il ?

STALINON. Tu le demandes ? De ta servante Casina, qu’il faut donner à notre fermier ; c’est un honnête esclave ; chez lui elle ne manquera ni de bois, ni d’eau chaude, ni de nourriture, ni de vêtements ; elle pourra élever ses enfants, si elle en a. Cela ne vaut-il pas mieux que de la marier à ce méchant écuyer, un drôle, un vaurien, qui n’a pas même une pièce de plomb dans sa bourse ?

CLÉOSTRATE. Il est bien singulier qu’à ton âge tu oubliés ton devoir.

STALINON. Comment cela ?

CLÉOSTRATE. Si tu tenais compte de ce qui est juste et convenable, tu me laisserais le soin de mes servantes ; c’est moi que cela regarde.

STALINON. Eh ! ne veux-tu pas la donner à ce porte-bouclier, dont j’enrage ?

CLÉOSTRATE. Il faut bien faire plaisir à notre fils unique.

STALINON. Unique ! il n’est pas plus unique pour moi que je ne le suis pour lui : c’est à lui de céder à ma volonté plutôt que moi à la sienne.

CLÉOSTRATE. Ça, mon homme, tu cherches quelque mauvaise affaire ?

STALINON, à part. Elle se méfie, je le vois. (Haut.) Moi ?

CLÉOSTRATE. Toi-même. À quel propos tout ce caquetage ? et d’où vient cet intérêt si chaleureux ?

STALINON. J’aime mieux lui voir épouser un honnête homme qu’un coquin.

CLÉOSTRATE. Mais si j’obtiens du fermier que, par considération pour moi, il la cède à l’autre ?

STALINON. Et si j’obtiens de l’écuyer qu’il l’abandonne à son rival ? je crois que j’en viendrai à bout.