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et facile : des cœurs justes m’envoient, sur de justes motifs, vers une juste assemblée. En effet, il ne convient pas de demander à des hommes justes une chose injuste ; d’autre part, réclamer d’hommes injustes une chose juste, c’est folie, car le méchant ne connaît et ne respecte aucun droit.

Commencez donc par me prêter toute votre attention. Vous devez vouloir ce que nous voulons ; mon père et moi nous avons fait du bien à vous et à votre république. Ai-je besoin d’imiter ce que j’ai vu faire dans les tragédies à d’autres divinités, Neptune, la Valeur, la Victoire, Mars, Bellone, qui vous énuméraient leurs bienfaits ? Mon père, le souverain des dieux, n’en était-il pas le premier auteur ? Jamais Jupiter n’a été de caractère à reprocher aux gens de bien les services rendus. Il est persuadé que vous êtes reconnaissants envers lui, et dignes de ses faveurs. Apprenez d’abord ce que je suis venu vous demander ; puis je vous exposerai le sujet de cette tragédie. Pourquoi froncer les sourcils ? parce que j’ai dit que ce serait une tragédie ? Eh bien, je suis un dieu, et, si vous le souhaitez, je changerai la tragédie en comédie, sans toucher à un seul vers. Le voulez-vous, oui ou non ? Eh ! sot que je suis, ne sais-je pas bien que vous le voulez, puisque je suis dieu ? je connais là-dessus le fond de votre pensée. Je ferai donc que ce soit une tragicomédie, car, en vérité, je ne trouve pas convenable qu’une pièce où figurent des rois et des dieux soit d’un bout à l’autre une comédie. Mais quoi ! puisqu’un esclave aussi a son brin de rôle, nous en ferons, comme j’ai dit, une tragicomédie.

Maintenant, ce que Jupiter m’a chargé de vous demander, c’est que des inspecteurs s’établissent sur tous les gradins de l’amphithéâtre, et, s’ils voient des spectateurs apostés pour applaudir un acteur, qu’ils prennent leur toge pour gage dans cette enceinte même[1]. Si quelqu’un a sollicité la palme en faveur des comédiens ou de tout autre artiste[2], soit par lettres, soit personnellement, soit par intermédiaires ; ou si les édiles décernent injustement le prix, Jupiter veut qu’ils soient assimilés à ceux qui briguent malhonnêtement une charge pour eux-mêmes ou pour autrui, et placés sous le coup de la même loi. Il dit que vos victoires sont dues à la valeur, non à

  1. On récompensait l’acteur qui avait le mieux joué son rôle ; il était donc naturel que les cabales fussent interdites.
  2. Musiciens, chanteurs, décorateurs, danseurs, etc.