NICOBULE. Voyons.
CHRYSALE. Vous reconnaissez son cachet ?
NICOBULE. Oui. Où est-il à présent ?
CHRYSALE. Je ne sais. Je ne dois plus rien savoir, j’ai tout oublié. Je sais seulement que je suis esclave ; je ne sais pas ce que je sais. (À part.) Voilà le merle qui vient mordre à l’appâta il sera pris aujourd’hui même ; le piège est tendu avec art.
NICOBULE. Attends un moment, Chrysale, je reviens. (Il sort.)
CHRYSALE. Comme il m’attrape ! comme je serai surpris de ce qu’il va faire ! Il est allé chercher des esclaves pour m’enchaîner. Le navire fait bonne route, la barque va joliment l’aborder. Mais silence : j’entends ouvrir la porte.
NICOBULE. Vite, Artamon, qu’on lui lie les mains.
CHRYSALE. Qu’ai-je fait ?
NICOBULE. Et un bon coup de poing s’il souffle. (À Chrysale.) Que disent ces tablettes ?
CHRYSALE. Vous me le demandez ? Eh ! je vous les ai apportées comme il me les a remises.
NICOBULE. N’as-tu pas grondé mon fils pour m’avoir rendu l’argent ? ne t’es-tu pas vanté de me le reprendre par ton adresse ?
CHRYSALE. Moi, j’ai dit cela ?
NICOBULE. Oui.
CHRYSALE. Qui vous a dit que j’ai tenu ce propos ?
NICOBULE. Paix ! personne ne me l’a dit ; mais ces tablettes que tu as apportées te convainquent. Oui, oui, ce sont elles qui te font enchaîner.
CHRYSALE. Ah ! votre fils m’a changé en Bellérophon[1]. Ainsi j’ai apporté des tablettes pour me faire enchaîner ?… C’est bon !
NICOBULE. Cela t’apprendra à conseiller à mon fils de faire la débauche avec toi, triple empoisonneur.
CHRYSALE. Ah ! le pauvre homme ! vous ne savez pas qu’on vous vend en ce moment et que vous êtes sur la pierre du crieur.
NICOBULE. Qui est-ce qui me vend ? parle.
CHRYSALE. Celui que les dieux aiment meurent dans la force
- ↑ Voyez Homère, Iliade, VI.